(épisode N°2) histoires de gang - intérieur

Les histoires de gangs, c’est pas sa tasse de thé à Robert. Lui, son truc ce sont les litiges en affaires, les négociations en interne, les coups doubles, les coups de poker, c’est l’audace et l’orgueil. Pas ces histoire de qui a le plus beau tatouages, la gueule la plus effrayante ou le plus gros calibre à la ceinture. Pourtant, il est là, Grey, dans le tribunal, le jour de l’audience des accusés. Mitchel s’est dévoué pour prendre la place de collègues moins aguerris. Quant à lui, il ne sait pas trop ce qu’il fait là. Par soutien ? Par intérêt ? Par curiosité ? Sa fille était présente le jour de la descente et depuis, c’est viscéral, il veut tout savoir de l’affaire. Il attendait debout dans le couloir, les membres du gang en vue, les toisant et les jugeant, son dédain s’inscrivant sur son visage petit à petit quand les choses ont commencées à dégénérer. Quelques membres du gang qui font irruption dans le hall et les couloirs avant de pénétrer dans la grande salle. Une odeur de fumée qui se fait ressentir presque instantanément et l’alarme qui se met en route. « Et merde, fait chier ! » laisse-t-il échapper alors qu’il prend la tangente vers l’arrière cour. Son instinct premier n’est pas de fuir mais bien de mettre au courant le juge et tous les membres du corps judiciaire. Les procédures à suivre sont très strictes dans ces situations. Connaissant les couloirs du tribunal comme sa poche, il accède à la salle d’audience par une porte arrière et prévient discrètement le juge. Ce n’est qu’en relevant la tête qu’il se rend compte qu’il fait face à de bons molosses armés. Second « Et merde ! » qui lui échappe, plus discret cette fois, digne d'un vieux ronchon qui en a marre que les derniers évènements se retournent contre lui. Il s’est fait prendre comme une souris attirée par un fromage sur un piège prêt à se refermer sur elle. Délicatement, Grey pose sa mallette au sol avant d’adresser un discret « On ferait mieux de trouver un moyen de partir d’ici vite fait. » à ses collègues, incertain que sa crainte vienne du fait qu’ils risquent de se faire percer comme des passoires ou rôtir comme du poulet. Et bien qu'il puisse paraitre sûr de lui, impassible, dans sa poitrine, son pouls commence à s'accélérer.

Dans le bureau du juge Clemens, qui vient de lui refuser une audience plus proche pour le procès du lanceur de brique de l’hôpital, William passe une main sur son visage, la deuxième nichée à sa taille. Il est déjà prêt à plaider un peu davantage sa cause mais la juge est intraitable et, d’un regard et d’un claquement sec de la langue, lui intime de tourner les talons et de quitter son bureau. Un soupire lourd lui échappe, ses épaules s’affaissent et, tandis qu’il s’apprête à ouvrir la porte, l’alarme à incendie se déclare. Sans doute qu’il aurait dû avoir un autre réflexe – comme passer par une autre salle, consulter avec Clemens pour trouver une autre issue – mais il a agi à l’instinct, ouvert la porte en grand pour voir des flammes surgir d’une poubelle sur la droite. Et personne autour pour tenter de l’éteindre avec un extincteur proche. Deux pas dans le couloir, l’incompréhension peinte sur ses traits et du mouvement, des ordres aboyés ; quelques secondes plus tard, deux caïds armés surgissent devant lui. Il recule d’un pas, les mains levées, le regard posé sur les calibres qui sont pointés dans sa direction. Someone must be shitting him. Deux fois en l’espace de quelques semaines, ça lui paraît bien trop. « Qu’est-ce que tu fous là ? » Un fort accent hispanique se fait reconnaître à travers la question posée (pas que ce soit un avantage, il n’a jamais été particulièrement attentif aux cours de langues, William). « Je bosse ici ? » tente-t-il avant de grimacer, conscient que ce n’est probablement pas la réponse attendue. L’autre effectue un pas dans sa direction, menaçant et William recule encore. « Okaaay, pas besoin d’utiliser ça. » Caïd numéro deux intervient, une main posée sur l’avant-bras de son compagnon et le substitut est invité de façon un peu brutale à rejoindre un groupe déjà dense de personnes dans une salle d’audience. Un rapide coup d’œil lui permet de reconnaître d’anciens collègues du cabinet de Robert, dont Robert lui-même et la gorge de William se serre en apercevant son ancien mentor. « Vous savez que nous retenir ici ne changera rien ? Au cas où vous l’auriez pas remarqué, il y a un feu qui se propage. » Et aucun de ces imbéciles n’a suffisamment de lumière à tous les étages pour utiliser ces foutus extincteurs. Un coup de crosse atteint sa pommette, l’étourdit une minute et il lève le pouce en direction de Caïd numéro un. Visiblement, ils ne veulent pas qu’on leur rappelle l’incendie déclaré – et le substitut du procureur est à peu près certain que signaler la présence de policiers à l’extérieur n’est pas une meilleure idée. Il s’éloigne des brutes de quelques pas, une main posée sur un banc, l’autre touchant la marque rougie du coup reçu. « La bonne nouvelle, c’est qu’ils savent qu’il y a un incendie. La mauvaise, c’est qu’ils s’en foutent. » Il échange un regard avec Robert, s’éloigne quelques secondes pour aider une jeune femme devenue pâle à s’asseoir et, une fois assuré qu’elle est prise en main par l’un des policiers présents, il retourne auprès de l’avocat. Tout à coup, un cri alarmé provenant du couloir, des jurons qui sont poussés et des membres du gang qui se parlent en espagnol. Le fuego quelque chose cortinas. « Hm, mon espagnol est rouillé mais ils sont pas en train de dire que les rideaux sont en feu, là ? » Parce qu’il ne manquait plus que ça.