(leeron) shallow

Son téléphone qui vibre plusieurs fois en pleine nuit, affichant un numéro inconnu aux yeux de l'ancien combattant suffit pour le tirer du lourd sommeil dans lequel il s'était réfugié. Mais il ne fallut pas plus de quelques mots à la voix méconnue pour attirer pleinement l'attention du sudiste, qui se réveille promptement, tous ses sens en alerte. Le voici debout, sur le pied de guerre, à la recherche de ses affaires éparpillées un peu partout à travers la cabine du vieux yawl. C'est pourtant pas bien grand, un voilier, mais cela peut paraître immense lorsque l'on y cherche ses clés de voiture. Harper enfile le premier jean qui traîne dans le coin, attrape la première chemise non repassée sur sa table et s'allume une cigarette qu'il cale aussitôt entre ses lèvres, quittant son logis en trombe pour remonter au pas de course le ponton qui s'enfonce sous ses pieds. A peine a-t-il refermé sa portière que le contact est passé et qu'il démarre pied au plancher. Ce soir-là, il abuse pleinement de son autorité et n'hésite pas à sortir un gyrophare bleu pour contrevenir allégrement au code de la route afin de parvenir le plus rapidement possible vers l'hôpital qui venait de l'appeler. Tirant nerveusement sur sa clope, Lee trouvait qu'ils y passaient définitivement un peu trop de temps à son goût. Après trois feux rouges grillés, deux cédez le passage non respectés et une vitesse au double de celle permise en ville, le patrouilleur arrive en un temps record sur le parking du Mercy sur lequel il s'arrête dans un crissement de frein, manquant à un cheveu de percuter le véhicule garé devant lui. Harper entre dans l'hôpital quasiment vide à cette heure tardive, ne se rendant même pas compte qu'il avait enfilé sa chemise à l'envers et se dirige d'un pas décidé vers les ascenseurs avant de changer de cap. Ces machines infernales ne lui avaient pas vraiment réussi jusque là. Après avoir grimpé les marches deux par deux, il parvient finalement jusqu'au deuxième étage, ou il tombe sur l'infirmière de service.  « Harper. Lee Harper, vous m'avez appelé. » Mais devant le regard incrédule de la jeune femme, le flic se sent obligé d'insister.  « C'est pour Cameron Alden. Comment va-t-elle ? » s'enquiert-il enfin, perdant de plus en plus patience.  « Tout va bien, ne vous inquiétez pas. Elle se repose actuellement. Elle a été admise il y a quelques heures pour des contractions et d'importantes pertes de sang. » Le sergent blêmit, sentant la culpabilité l'envahir.  « Non, mais je vous arrête tout de suite, tout va bien. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter si ça ne se reproduit pas, mais nous avons préféré la garder en observation. Chambre 235. Encore une fois, ne vous en faites pas, ce petit bonhomme est vaillant ! » Harper fronce les sourcils devant les mots prononcés.  « Oh, vous ne saviez pas ? » Mais l'infirmière n'a pas le temps de finir de se confondre en excuses que le flic est déjà parti à la recherche de la chambre de l'allemande, qu'il ne tarde pas à trouver. Il prend une profonde inspiration devant la porte de cette dernière, avant de se lancer et de pénétrer dans la pièce, ouvrant la porte le plus discrètement possible. Cameron y est allongée, les yeux fermés, probablement en train de se reposer. Lee, penaud, ne sait pas trop sur quel pied danser et finit par s'avancer doucement, s'installer sur la chaise aux côtés du lit.  « Je suis là ». finit-il par chuchoter, pas sûr qu'elle l'entende vraiment.  « Tout va bien aller. » pense-t-il sans vraiment être sûr que les mots sortent de sa bouche.

Ces crampes insoutenables à s'en plier en deux, qui font danser des étoiles juste sous ses yeux, seraient-ce des contractions ? Mais c'est trop bien, bien trop tôt. Puis y'a cette hémorragie qui n'indique rien qui vaille alors la seule solution c'est d'appeler les secours, restée assise sur le sol de la salle de bain en pleurant comme une fillette perdue dans un centre commercial, dans l'attente que ses parents la retrouvent. Cette peure grandissante, la crainte qu'il soit arrivé mal au petit être qui s'épanoui en son sein. Ils ne mettent pas long a arriver, lui posent mille questions qu'elle n'est pas certaine de comprendre avant de la transporter en urgence à l'hôpital. Elle ignore l'heure qu'il est, pour autant, une fois arrivée sur place sa prise en charge est immédiate et de nouveau, c'est l'interrogatoire, deux infirmières, un médecin et un gynécologue se succèdent pour lui demander mille et une choses, sont-elles liées les unes aux autres, rien n'est moins sur, mais elle y répond sagement, sentant que sa patience commence à s'évaporer, parce qu'on ne lui dit rien, lui prélève du sang en quantité importante alors qu'elle en a déjà perdu beaucoup. Blafarde, ils décident de la mettre sous perfusion, lui annoncent même qu'une échographie l'attend pour s'assurer que le coeur du petit gars bat toujours. C'est long, interminable, elle veut dormir, ne cesse de pleurer et perd patience. Dans le lot elle cognerait bien sur l'équipe médicale qui ne l'informe de rien. Une autiste dans un monde bruyant. Une môme dans un monde d'adultes, une allemande au pays des inuits. Ils parlent entre eux, mais elle ne percute rien de ce qu'ils se disent tous les uns aux autres, quand bien même ils lui adressent quelques mots, elle ne les entrave pas. Que lui arrive t-il, est-ce grave ? On lui annonce qu'elle sera gardée pour le restant de la nuit et on la parque dans une chambre, seule. Où elle lutte afin de ne pas angoisser et finit par fermer les paupières, maîtrisant sa respiration en caressant son ventre frénétiquement. Lentement la tension redescend quand on pénètre dans sa chambre d'hôpital, elle ne daigne même pas ouvrir les paupières, lassées par les allées et venues du personnel soignant qui s'acharne à ne rien lui dire et se mur dans le silence. La voix masculine attire néanmoins son attention, d'avantage quand elle entend que l'on tire le fauteuil installé non loin de son lit pour s'y installer. Elle ouvre un oeil, puis le second et se redresse légèrement. "Lee ?" qu'est-ce qu'il fabrique ici ? s'exclame t-elle sans décoller sa paume de sa bedaine, un regard à droite, puis à gauche et de nouveau ses prunelles sont ramenées vers le sudiste. Elle a bien envie de lui demander ce qu'il fait là, mais revient en sa mémoire que lorsqu'elle a remplis ses papiers, Cameron y a inscrit le numéro de l'ancien combattant en cas d'urgence, juste au cas où. "Ils t'ont dit quelque chose ?" s'enquiert la jeune femme en se penchant sur l'ours, pleine d'espoir, mais toujours inquiète. La blonde tape dans son oreiller qu'elle replace avant de s'adosser contre ce dernier et lâche un soupire. "Ils refusent de m dire quoi que ce soit et le peu qu'ils ont accepté de me dire, j'ai rien compris, je sais pas c'qui se passe, j'ai l'impression de devenir folle et j'ai ces... crampes et je sais pas !" affolée, son débit de parole aussi élevé que celui d'un camé en plein trip à la coke, elle s'agite et remue sans jamais détacher sa main de son ventre.

A peine pose-t-il ses fesses sur le fauteuil aux côtés du lit qu'il se relâche complètement, se permettant même de fermer les yeux un instant. En une fraction de seconde lui reviennent les événements découlés ces dernières semaines, et Lee essaie de remettre un peu d'ordre dans son esprit. Pour autant, une part de lui est ravie que son nom ait été inscrit sur la liste des personnes à rappeler d'urgence. Bien qu'il était en froid avec Cameron, et qu'il ne savait pas trop sur quel pied danser avec l'allemande, il s'en serait voulu de ne pas avoir été averti. Mais l'ours mal léché ne pouvait s'en prendre qu'à lui même, après avoir cédé à son envie idiote de couper les ponts sur un coup de tête. Sur un simple malentendu qui aurait pu être rapidement résolu, s'ils avaient parlé. Mais c'était ça leur problème, et ça les suivrait probablement toute leur vie. Ils avaient beau être les meilleurs amis du monde, il leur arrivait de ne pas savoir se parler, ou en tout cas, de ne pas savoir écouter. Leur nature impulsive leur continuerait probablement à leur jouer des tours et ils devraient apprendre à composer avec. Mais il est surpris dans ses réflexions par une Cameron qui était visiblement déjà éveillé et qui l'assomme littéralement de questions. Pris de court, il s'attendait à avoir plus de temps pour lui afin d'essayer de remettre un peu d'ordre dans son cerveau, ce dernier se concentrant essentiellement sur l'attitude qu'il devait adopter vis-à-vis d'elle. Mais devant l'inquiétude de l'allemande, il ne peut s'empêcher de poser sur elle un regard compatissant et malgré tout anxieux. Se levant, sa main valide se pose sur le front de la jeune femme, essayant de la maintenir allongée le plus possible.  « Hé .. on se calme, tout va bien ... » souffle-t-il pour essayer de la rassurer, attendant que cela soit le cas pour poursuivre.  « Tout va bien, ce n'est rien. Le bébé est encore là et il paraît que c'est un petit bonhomme au moins aussi tenace que sa maman. Tu as juste besoin de repos. De beaucoup de repos. » poursuit-il, la culpabilité le rongeant au fur et à mesure qu'il se rendait compte de sa part de responsabilité dans l'état de santé de la future maman, ayant peut-être même aggravé la situation de par son comportement irresponsable et égoïste.  « Pardon. » dit-il d'un air solennel alors qu'il se rassoit.  « Pardon d'avoir été aussi con et aussi têtu .. je me suis emporté mais .. non, rien. » se ravise-t-il alors qu'il s'apprêtait à trouver des excuses quant à son comportement. Ce n'était pas le moment pour en parler, ou pour remettre tout ceci sur le coin de la table.  « Un petit gars, alors ? » Les yeux du sudiste se posent doucement dans ceux de la jeune femme, une pointe d'émotion dans le regard. Il ne parvenait toujours pas à accuser le coup et à être sûr que ce soit la réalité.