No recovery — harry

Le regard dans le vide, lorsque l’alarme résonne dans le QG de la station 14, la panaméenne sait qu’elle va devoir se faire toute petite. Elle a risqué sa place lors de sa dernière intervention et elle compte bien prouver au capitaine qu’elle est digne de confiance et qu’elle sait suivre le protocole. Ni une ni deux, tout comme ses collègues, elle enfile son équipement, il est assez lourd mais sa formation lui a appris à oublier ce poids et à se concentrer sur sa mission. Elle est reléguée à l’arrière du camion, comme toute jeune recrue. Son métier, c’est sa nouvelle raison d’avancer dans la vie, la chose qui lui a donné envie de se sortir de la drogue et de cette spirale infernale dans laquelle elle était coincée suite à la mort de Julian. Direction Wynwood, son quartier d’habitation et même s’il est immense, elle connaît trop bien cet endroit pour ne pas que ça l’atteigne. Elle peut voir la fumée même s’ils sont encore à quelques kilomètres du lieu de l’incendie. Lorsqu’ils arrivent sur le lien de l’incendie, elle ne peut s’empêcher de contempler les flammes qui se hissent jusqu’à la toiture de la maison. Le feu s’est propagé rapidement, bien plus que les récentes interventions sur lesquelles C.J s’est rendue. Elle se rend rapidement compte que cette maison elle la connait, elle y a déjà mis les pieds, c’est un ancien ami de Julian qui y habite, tout du moins habitait. Elle ne voit personne dehors, habituellement lors d’un feu qui se déclare en journée, il y a moins de risque de trouver des personnes à l’intérieur. La panaméenne est appelée avec son coéquipier à sécuriser l’étage. Alors qu’elle crie au fur et à mesure « RAS » pour indiquer à ses collègues que personne ne se trouve dans les pièces qu’elle visite, on l’appelle à venir au sous-sol. Tandis que le feu est rapidement maîtrisé, car il n’y a malheureusement plus grand chose à sauver,  ils découvrent plusieurs sac de cocaïne et un corps calciné. C.J grimace, si le corps n’est pas identifiable, elle prie pour que ce ne soit pas cet ancien ami de Julian. Son capitaine lui indique d’appeler les stups, elle décroche immédiatement son téléphone pour appeler sa soeur, Harry. Elle a tout de suite pensé à elle. Pourquoi ? Parce qu’elle l’avait mise en garde contre Julian à l’époque sur un éventuel trafic de drogue et qu’elle n’avait pas voulu l’écouter. Aujourd’hui, si cet homme était bien celui qu’elle pensait, elle remettrait sûrement en doute sa croyance. — Harry, je crois que tu devrai venir voir un truc avec ton équipe, on a quelque chose qui pourrait sûrement vous intéresser. dit C.J en se servant du téléphone du camion de pompier. L’équipe d’Harry ne met pas longtemps à venir sur les lieux. C.J salue sa soeur d’un geste de la tête, elles n’ont jamais été très proches mais depuis quelques temps elles commencent s’apprivoiser. Elle l’emmène jusqu’au sous-sol pour qu’elle observe les dégâts. — C’était sûrement criminel, d’après nous c’est cette bonbonne de gaz qui est responsable de l’incendie. dit la panaméenne en montrant l’objet du crime. — Harry, je suis déjà venue ici … avec Julian lui avoue-t-elle, paniquée à l’idée que sa soeur ait eu raison sur toute la ligne en ce qui concerne son défunt petit-ami.

Elle a le regard fixé sur l’écran de son ordinateur mais les images qui défilent sous ses yeux sont celles de la veille – le souvenir trop vif de son père croisé sur la plage et de la discussion qui a suivi. Les mots résonnent encore dans son crâne malgré sa volonté à les oublier, malgré son désire de repousser la douleur que cette rencontre impromptue a ravivé. Peut-être qu’elle aurait dû quitter la ville quand elle en a eu l’occasion. Peut-être qu’elle aurait dû fuir quand l’opportunité s’est présentée et ainsi tirer un trait définitif sur ce passé tâché de trahison, ravaler une amertume qui s’est logée depuis bien trop longtemps dans ses entrailles et qui fait maintenant partie d’elle. Elle ferme les yeux mais, aussitôt, le visage grisonnant de Robert lui apparaît ; sa ligne personnelle sonne au même moment et elle attrape le combiné sans réfléchir. « Lopez. » Il lui faut une fraction de secondes pour reconnaître la voix de sa sœur – et une fraction de secondes supplémentaire pour imaginer le pire. Les mots balaient rapidement ses inquiétudes sourdes, parviennent à relâcher la pression qui s’est enroulée autour de son cœur. « J’arrive. » Elle a noté l’adresse sur un post-it, récupère son blouson à peine a-t-elle raccroché et elle fait déjà signe à ses collègues de la suivre. Il n’y a pas de débrief, les questions sont tues tout le long du chemin qui les mène jusqu’au lieu de l’incendie. Elle prend quelques secondes pour observer les dégâts sur la façade de la maison, indique à Carter de se renseigner auprès du voisinage, ordonne à Michalak d’éloigner les curieux et les journalistes qui se pressent déjà. Elle repère C.J, s’approche d’elle pour la suivre. « Quand est-ce que le feu s’est déclaré ? » Son regard suit le doigt pointé de sa frangine sur la bonbonne de gaz, elle se détourne déjà pour s’approcher des sacs qui renferment une poudre blanche qui ne laisse que peu de doute sur son contenu. Elle s’accroupit avant de se tendre aux paroles de C.J. Elle profite qu’elle lui tourne le dos pour fermer les yeux, se pincer le nez et retenir l’injure qui voudrait s’échapper de ses lèvres. Elle voudrait lui dire qu’elle ne déconnait pas, à propos de Julian – elle voudrait lui dire que son ex était un putain de crétin destiné à la blesser et à la mener directement dans ce genre de magouille merdique mais elle se souvient qu’il est censé être décédé et que lancer le sujet ne ferait que déclencher une nouvelle dispute. Harry, elle est lasse de se battre avec sa sœur. « Quand est-ce que tu es venue pour la dernière fois ? » Elle a glissé sur ses talons pour observer le profil de C.J, s’efforce de conserver un ton neutre mais la colère est difficile à dissimuler, difficile à oublier. « Qu’est-ce que tu peux me dire sur le proprio ? » Elle s’est redressée quand d’autres pompiers s’échappent de la pièce, les laissant seules. Elle en profite pour s’approcher, baisser d’un ton. « Dis-moi que c’était pas ton dealer, C.J, parce que si c’est le cas, tu vas figurer sur la liste des suspects. » Elle a le regard dur, Harry, et la froideur qui s’exprime de son regard entre le marron et le vert olive est dû à l’inquiétude qui bat dans ses tempes. A celle qui lui noue l’estomac à l’idée que sa frangine soit mêlée à ce bordel.

Elle avait immédiatement pensé à sa soeur aînée lorsqu’elle avait aperçu les sacs de cocaïne, elle savait qu’elle était douée dans son métier et elle avait besoin d’une épaule sur laquelle compter. Cette drogue à laquelle elle avait touché pendant plus d’un an, le genre de truc dont vous ne pouvez plus vous détacher et qui vous rend si accro que vous n’avez plus qu’une obsession dans la vie. C.J elle connait tout ça et face à ce sac de poudre blanche, elle se rend compte qu’aujourd’hui elle n’a absolument pas envie d’y toucher. Elle se sent presque vaccinée, pire, les flashs d’elle-même snifant de la coke dans son studio de ce même quartier lui donnent la nausée. Elle a honte de ce qu’elle a été, honte d’avoir touché à cette merde qui l’a mise dans de tels états. Aujourd’hui elle espérait que tout ça serait derrière elle, que le passé ne referait plus surface mais cet incendie ne semble pas vouloir l’aider à aller de l’avant. Harry commence son enquête et lui demande lorsque le feu s’est déclaré. — On a estimé le départ du feu à il y a une heure environ. dit C.J — En plein milieu de la journée, le quartier est souvent désert. Ce sont des voisins situés à deux blocs d’ici qui ont passé l’appel. fait-elle remarquer à sa soeur. Vous aurez plus de chances de sauver des vies le week-end qu’en semaine ,surtout dans les quartiers résidentiels, lui avait annoncé son formateur à l’académie des pompiers. Une phrase dont la pompier se souvenait comme si c’était hier. — J’imagine que ce n’est pas un hasard. finit-elle par dire en soupirant. Les gars qui ont fait ça savait très certainement que les pompiers mettraient un certain temps à arriver. Elle espérait que la fumée avait contaminé la victime avant qu’il ne soit consommé par les flammes. Et tandis que C.J essaie de faire son travail, Harry fait également le sien à tel point qu’elle a l’impression de passer un interrogatoire. La panaméenne replonge dans sa mémoire, elle revoit Julian, la vision est encore difficile à accepter. Si elle a fait une cure de désintox, la perte de son grand amour est encore compliquée surmonter. Elle appose une main sur son front comme si ça allait l’aider à voir plus clair dans sa mémoire. — Je ne sais pas, c’était il y a environ trois ans, peu de temps avant la mort de Julian. dit la pompière qui tente de se repasser le fil des évènements dans sa tête. Harry continue ses questions en lui demandant ce qu’elle savait du proprio. — Pas grand chose, il s’appelait Kurtis, ils étaient allés au lycée ensemble avec Julian, c’est tout ce dont je me souviens répond la jeune femme. Et alors que les collègues de C.J laissent les deux jeunes femmes seules, Harry s’approche de sa soeur pour lui demander si ce n’était pas son dealer. La panaméenne la regarde, bouche bée, les yeux écarquillés, elle n’arrive pas à croire ce qu’elle entend, elle ne peut pas s’en empêcher se dit la trentenaire en jetant un regard noir à sa soeur. — Tu déconnes là ? fait-elle remarquer à sa soeur. — Je te rappelle que j’avais pas besoin de toucher à cette merde quand j’étais encore avec Julian déballe-t-elle à sa soeur. Elle tente de chuchoter mais elle vire au rouge face à la remarque de la détective. — Et puis quoi encore tu penses aussi que je t’ai appelé pour me sortir d’une embrouille ? reprend-t-elle. Après tout, son aînée était bien capable de croire qu’elle l’avait appelée dans son propre intérêt. — C’était une connerie de t’appeler ! finit-elle par dire en tournant le dos à la brune pour essayer de reprendre ses esprits. Elle était déjà sur la sellette hors de question de risquer sa place à cause de sa soeur.

Il ne lui faut pas plus de quelques mots pour s’intéresser aux sacs de drogue que lui montre sa sœur. Elle jette un regard en coin à cette dernière, guettant une réaction qui indiquerait un manque – un tremblement de la main, un regard exorbité ou fuyant, mais C.J ne laisse rien paraître et l’aînée détourne finalement les yeux. Elle ne devrait pas douter comme ça mais la seconde de la famille l’a habituée à adopter un comportement méfiant. C’est devenu une seconde nature, pour Harry, de s’assurer que sa petite sœur ne soit pas dans les emmerdes jusqu’au cou, qu’elle garde le contrôle et ne retombe pas dans ses vieux travers. Elle n’en est pas fière, Harry. Parce que C.J a changé, fait des efforts depuis qu’elle a rejoint les pompiers et qu’elle aime la relation qu’elles sont finalement en train de bâtir après tant d’années à se sauter à la gorge pour s’accuser l’une l’autre – mais les habitudes sont difficiles à perdre. « Oui, je les ai aperçus en arrivant, j’ai demandé à l’un de mes hommes de les interroger. » Recueillir un témoignage avec l’espoir d’avoir davantage d’informations sur l’incendie. Elle relève la tête pour s’éloigner de la drogue lentement, son regard glissant sur les murs et le sol noircit pour essayer de trouver le moindre indice. « Non, probablement pas, » confirme-t-elle à voix haute avant de froncer les sourcils, découvrant des gouttes de sang dans un coin. « A ton avis, c’est forcément un incendie volontaire ? » Elle est penchée au-dessus de l’hémoglobine, prend note de demander aux scientifiques de bien penser à en prélever pour analyse – ça ressemble à un règlement de compte, de son point de vue, mais elle n’en sait rien, en vérité et préfère ne pas sauter trop hâtivement sur les conclusions. La question qu’elle pose ne trouve aucune réponse et elle tourne la tête en direction de C.J. Elle voit à son regard qu’elle refoule les souvenirs qui accompagnent sa révélation et Harry, elle ne peut que ravaler la boule qui lui est montée à la gorge. Ca aurait été tellement plus simple si Julian était resté loin de la vie de sa frangine – elle tourne la tête, dissimule la culpabilité qui pourrait se trouver dans ses yeux au rappel du décès de cet ex. Harry, elle espère qu’il n’est pas mêlé à tout ça, qu’il ne reviendra pas soudainement pour témoigner contre quiconque est à l’origine de ce putain d’incendie parce qu’elle sait qu’elle ne pourra pas protéger C.J des sentiments qui sont encore présents – elle sait aussi qu’elle ne pourra pas retenir les coups qu’elle voudra porter à ce salaud et ça ferait encore des histoires au sein de la famille Grey-Lopez. « Tu te souviens quel lycée ? » Elle se doute qu’une recherche de l’ensemble des élèves qui s’appelle Kurtis peut être fastidieuse mais puisque lui et Julian sont restés en contact après toutes ces années, peut-être qu’ils ne sont pas les seuls – et vu leur fréquentation, Harry, elle est prête à parier qu’il y aura des informations de ce côté-là. Les pompiers s’éloignent finalement et elle se relève, retourne auprès de sa sœur. Les regards s’affrontent. Elle lit de la douleur dans celui de C.J puis la colère qui la dissipe. Le ton est devenu accusateur et elle ferme les yeux, consciente que ça ravive d’anciennes blessures entre elles. « Non, mais tu y as touché après et peut-être que te tourner vers quelqu’un que tu connaissais déjà était l’option de facilité. » Parce que prendre cette merde l’avait été – l’option de facilité. Elle avait tout tenté, la flic, pour tirer sa fragine de ce cercle vicieux mais ses efforts étaient restés vains. Elle avait abdiqué. Préférant la laissant se démerder toute seule plutôt qu’y laisser sa santé, à elle aussi. Toute sa famille s’était toujours battue contre C.J pour lui accorder une place dans la famille mais il avait toujours semblé que la panaméenne n’en avait jamais voulu – jusqu’à récemment. « Quoi ? Non ! » Elle soupire, passe une langue sur ses dents, une main sur son visage avant de soupirer. « Oh arrête, tu veux ? Avoue que tu nous as tous habitué à te foutre dans la merde depuis le premier jour alors excuse-moi de vouloir m’assurer que ce n’est pas le cas cette fois-ci. » Elle voudrait lui dire qu’elle ne cherche qu’à la protéger, qu’elle ne pose cette question que pour être certaine qu’elle ne devra pas subir un interrogatoire. « Mais pour ta gouverne, je ne te pose pas cette question pour t’accuser de quoique ce soit, ok ? Tu m’as appelée pour que je fasse mon job alors laisse-moi faire mon putain de job ! Je te rappelle que, que tu le veuilles ou non, t’as touché à la drogue et c’était y a encore pas si longtemps. Et si t’étais une cliente, ça veut dire que tu fais partie de la liste des suspects, ce qui veut aussi dire qu’il faudrait que je t’interroge et ça figurera sur ton dossier. T’es pompier, C.J, tu crois que ça fera quoi d’avoir autant de détails sur ton dossier ? » La colère rend sa voix plus grave, le regard fulminant d’avoir toujours les mêmes conversations avec celle que ses parents ont adopté toutes ces années plus tôt. Sa sœur lui tourne le dos et elle roule des yeux jusqu’à faire quelques pas dans la direction opposée. Se pince le nez. Elle sait que c’est à elle d’arranger la situation – c’est elle qui a commencé, après tout. Le silence s’étale entre les deux sœurs, les mots flottant entre elles contre une ritournelle. Elle souffle finalement, fait volte-face et son regard se heurte au dos de sa frangine. « Est-ce qu’à l’époque tu savais qu’il trempait dans des affaires de drogue ? » Le ton s’est radoucit, comme pour essayer d’effacer la dureté de ce qui a été dit plus tôt, d’éloigner les batailles du passé pour repartir sur de nouvelles bases. Encore une fois.

C.J est lasse, lasse de devoir toujours se justifier par rapport à ses actions passées. Elle a l’impression que quoiqu’elle fasse, sa soeur lui rappellera toujours ses erreurs. Ce sentiment de n’être jamais assez bien aux yeux de sa grande soeur, la panaméenne pensait s’être rattrapé ses derniers temps mais Harry la confronte une nouvelle fois à son passé et comme à son habitude, sans prendre de pincettes. La pompière hoche la tête lorsque Harry lui indique que ses collègues sont partis interroger les voisins qui avaient prévenu pour la fumée. Sa soeur ne fait que confirmer ce qu’elle pense déjà, l’incendie à sûrement était déclara pour masquer le corps de la victime. La nouvelle recrue n’en avait jamais vu jusque là, un corps calciné, il était arrivé que certaines personnes décèdent dans l’ambulance mais elle n’était jamais tombée sur un corps marqué par les flammes. Harry lui demande s’il s’agit d’un incendie volontaire. — La bonbonne de gaz est assez récente et j’ai vu aucun combustible à côté donc difficile à croire qu’elle ait explosé toute seule. fait-elle remarqué. Sans compter sur son corps présent à côté, il y avait peu de chance que tout ça ne soit qu’un heureux coup du hasard. Un homme qui se serait rendu dans sa cave et comme par hasard la bonbonne aurait explosé juste à côté de lui et à ce moment là. C.J n’était pas devin mais elle se doutait que quelque chose de louche se tramait. Sa soeur continue de lui poser des questions, elle lui demande si elle se souvient dans quel lycéen ils avaient été, la panaméenne n’avait pas besoin de réfléchir bien longtemps, Julian se remémorait souvent des souvenirs dans ce quartier. — Jose De Diego, Julian en parlait souvent. dit-elle le regard posé sur le sol, se remémorant avec le sourire la voix de son ex petit ami. Harry la sort de ses pensées lui disant que ça aurait pu être l’option de facilité de se tourner vers Kurtis. C’en est trop pour la jeune pompière qui ne supporte plus l’air accusateur de sa soeur — Putain Harry combien de fois il va falloir que je te le dise, j’en savais rien et Julian m’a toujours juré qu’il ne touchait pas à la drogue ! dit-elle, elle est en colère, en colère parce qu’on lui reproche toujours la même chose mais aussi parce qu’il se pourrait bien que l’homme qu’elle a toujours aimé lui ai délibérément menti. Sa soeur ainée renchérit en disant qu’elle les avait toujours habitué aux conneries. Elle n’avait pas tort, elle savait qu’elle avait causé de nombreux problèmes mais elle n’avait jamais demandé à ce qu’ils soient là pour elle mais contre toute attente et malgré les épreuves qu’elle avait traversées, les Grey étaient toujours présents pour elle. — Oui et merci de me le rappeler. dit-elle en lançant un regard de culpabilité à sa soeur. La panaméenne essayait tant bien que mal d’aller de l’avant mais Harry était toujours là pour lui rappeler ses erreurs du passé et ça devenait pesant pour la trentenaire. Cette sensation que quoiqu’il arrive, elle serait toujours associée à la veuve droguée. — Si j’avais été sa cliente je ne t’aurais pas appelé Harry ! Pour éviter cette conversation mais apparemment même quand je suis innocente je resterai toujours une suspecte potentielle à tes yeux ! elle lui balance ça comme ça. Elle avait toujours eu l’impression d’avoir ce besoin de se défendre, de se justifier face à Harry et elle en avait assez. — Je croyais qu’on avait outrepassé ça toi et moi mais apparemment quoique je fasse je resterai toujours la droguée. dit-elle en confrontant le regard de la détective. Il y eut un silence pendant plusieurs secondes avant qu’Harry ne se radoucisse — Non j’en savais rien finit par dire la pompière en attendant que sa soeur ait terminé son interrogatoire car pour elle, elles n’avaient plus rien à se dire.

Les lèvres pincées, elle fronce les sourcils en repérant le sang – petite quantité mais présent néanmoins – qui macule le sol. Un regard plus global lui confirme qu’il n’y a pas d’autres traces visibles, ne pouvant mener qu’à deux conclusions : soit le sang appartient à l’agresseur qui n’a pas remarqué tout de suite qu’il était blessé (hypothèse toutefois peu probable par l’absence de sang dans d’autres pièces de la demeure) soit la pièce a été nettoyée pour masquer un assassinat. Elle ferme les yeux une seconde, souffle tout en prêtant une oreille attentive à la réponse de C.J. C’est un meurtre – l’enquête, du coup, pourrait être refilée à la brigade criminelle et elle n’aurait pas besoin de fouiller dans le passé de sa sœur. Mais elle sait qu’elle ne va pas lâcher l’affaire parce que c’est sa sœur qui l’a appelée ; parce que C.J l’a appelée, elle, et qu’elle en a fait la sienne à la seconde où elle a décroché le téléphone. Elle se redresse lentement, continue l’inspection des lieux comme si elle marchait sur des œufs. « Celui qui a fait ça aurait eu le temps de partir avant que le feu ne démarre ? Ou est-ce que tu penses qu’il a pu être blessé en sortant ? » Il y a sûrement peu de probabilité pour qu’il ait été aussi reckless – mais si sa frangine pense qu’il a été blessé, alors il faut qu’elle lance une alerte dans les hôpitaux et centres de soins pour une brûlure récente. C’est maigre, un faible espoir auquel elle n’arrive pas à s’accrocher mais c’est une possibilité qu’elle ne peut pas se permettre d’écarter. Elle prend note de tout ce qui est énoncé, hypothèse comme preuve ou indices, note le nom du lycée de Julian avant de relever la tête, les sourcils froncés et un air vaguement moqueur collé sur le visage. « Sérieusement ? Y a un lycée qui s’appelle comme ça ? » Elle secoue la tête, un sourire sur les lèvres. Se retient de dire qu’il est pas étonnant que Julian ait tourné délinquant avec un nom de lycée pareil – on dirait un nom de personnages de Zorro, et si leur mascotte était un homme masqué, elle peut comprendre que l’ex de sa sœur et ses proches aient un lien avec la drogue. Pas qu’elle cautionne, tho, parce que faudrait pas pousser, non plus. Mais quand elle pose son regard sur la nostalgie qu’affiche C.J, Harry, elle perd son sourire. Et son envie de plaisanter. Son cœur se pince parce qu’elle sait que la panaméenne ne parviendra jamais totalement à oublier son fiancé, peu importe qu’il ait été un pur crétin qui aurait pu la faire plonger ou qu’il aurait entraîné avec lui dans ses trafics. Elle espère qu’elle finira par oublier, par l’oublier, lui aussi, et qu’il restera là où il est caché. Parce que c’est mieux pour tout le monde. Elle détourne la tête, l’âpreté de son ton refaisant surface presque malgré elle quand elle enchaîne avec d’autres questions et la réaction de C.J ne se fait pas attendre. Elles ont bon ne pas avoir le même sang, elles partagent le caractère de braise de la mama Lopez, une tendance à s’apporter facilement et à sauter aux conclusions sans chercher à s’écouter. « Ça, c’est ce que tu as toujours affirmé. Mais j’ai un peu de mal à croire que t’as pu vivre avec lui, être fiancée à lui sans jamais te douter de ses trafics. » Elle pourrait mordre, Harry, parce qu’elle est sur la défensive, parce qu’elle voudrait ouvrir les yeux de sa frangine. Parce qu’elle se sent impuissante, qu’elle est coupable de lui cacher la vérité et que ça lui pèse. « Et même si tu ignorais tout, ça ne veut pas dire que t’as forcément arrêté de voir ses potes après. L’un d’eux aurait pu t’en proposer la première fois. Je sais pas si t’as remarqué, mais ils étaient pas totalement irréprochables, eux non plus. » Elle appuie ses dires en pointant l’emplacement du cadavre calciné. Elle se sent perdre patience, lit la colère qui brille dans les yeux de sa sœur et elle détourne le regard. Parfois, elle voudrait effacer le passé – revenir à l’époque où elle était fille unique, l’époque où tout allait encore si bien dans sa famille. Pas qu’elle blâme C.J pour toutes les merdes qui ont suivi (elle sait bien que sa sœur n’est pas la raison de l’infidélité de leur père, qu’elle a, elle aussi, subit le divorce comme tous les autres enfants ; mais c’est plus facile de se tourner contre elle qui était si souvent absente de la maison, contre elle qui les rejetait, jour après jour et qui n’a pas pris le parti de la mère en reprenant son nom de famille). Elle soupire, une main portée à son front, l’autre à la taille. S’efforce à inspirer. Essaie de se calmer. « Ne me regarde pas comme ça. Tu sais que j’ai voulu être là, pour toi, malgré tout ce que je pensais de Julian. De ce que je me rappelle, tu m’as claqué la porte au nez à la moindre occasion et tu m’as tourné le dos la première. » Elle a prétendu, Harry. Ne pas être affectée, sur le moment. A hausser les épaules quand on lui demandait des nouvelles de C.J, à répondre que c’était plus son problème, qu’elle avait qu’à continuer de se droguer jusqu’à l’overdose ou l’incarcération pour la sevrer un peu brutalement. Parce qu’elle ne montre jamais ses faiblesses, Harry – elle se doit d’être forte, pour montrer l’exemple à ses frères et sœurs. Pour qu’ils puissent toujours compter sur elle, no matter what, et tant pis si son propre bonheur n’est que secondaire, ou tertiaire ou même inexistant. « Tu aurais eu cette conversation. Tu comprends pas ? T’es obligée d’avoir cette conversation à partir du moment où tu admets connaître la victime ! Parce que ça ne compte pas que tu aies arrêté la drogue, ça ne compte pas que tu ignorais tout des trafics de ce type : tu le connaissais, lui. Tu sortais avec l’un de ses potes qui était plongé dans des cartels jusqu’au cou et qui est mort à cause de ça. Que ce soit moi ou un de mes collègues, cette conversation, t’aurais fini par l’avoir. La seule différence, c’est que moi, je ne te passe pas les menottes pour qu’on l’ait au poste. » Elle se détourne complètement, prend le temps de souffler. Les mots de C.J résonnant à ses oreilles avec une douleur sourde. Elle se rend compte combien le dialogue est difficile, entre elles. Combien il l’a toujours été – mais aujourd’hui, ça semble encore pire. « T’as tort. » Elle inspire profondément, l’affronte à nouveau du regard. Elle a l’impression que la prochaine soirée entre filles n’est pas pour tout de suite. « Quoique tu fasses, tu resteras toujours ma sœur. Et tu me crois peut-être pas, mais j’essaie uniquement de te protéger et de veiller à ce que tu ailles bien et que ta carrière ne pâtisse pas de ton passé. » La colère s’est estompée, de son côté mais elle sait que le mal a été fait, que les blessures ont été ré-ouvertes et qu’il leur faudra du temps pour avaler cet échange brutal. Alors elle se concentre sur l’affaire, parce que c’est ce qu’il y a de mieux à faire, il semblerait. « Est-ce que tu pourrais me faire parvenir une liste des noms de ceux qui traînaient avec Kurtis à l’époque ? Même s’ils sont plus dans le coin. Si c’est un règlement de comptes, ils peuvent quand même avoir eu vent de quelque chose. » L’air reste électrique, la tension, présente dans ses épaules. Deux jeunes en tenues scientifiques apparaissent finalement et Harry leur indique les zones à fouiller au peigne fin en priorité. Elle supervise un instant avant de se détourner. « On devrait sortir d’ici, ils vont vérifier qu’il n’y avait pas plus de sang qui aurait pu être nettoyé, c’est long et pas intéressant à regarder. » Elle lève un regard vers C.J, mène le geste à la parole avant de remonter les escaliers pour rejoindre le rez-de-chaussée. Elle fait quelques pas, adresse un signe de tête à l’un des officiers qui revient de son porte à porte auprès des voisins. « Ecoute… Je suis désolée, à propos de Julian. Je sais que tu penses que c’était un type bien et j’aimerai pouvoir te donner raison. Mais je veux pas te mentir. » Pas plus qu’elle ne lui ment déjà mais elle garde les morts enfouis au fond d’elle, préfère se taire. « Je vais mener l’enquête et peut-être que ça n’a rien à voir avec la drogue retrouvée. En attendant, s’il-te-plaît, et je sais que ça paraît logique, mais n’essaie pas d’entrer en contact avec l’un d’eux, même pour essayer d’avoir des info, même s’il te donne l’impression d’être en dehors de tout ça, ok ? » Elle cherche à croiser le regard de C.J, a besoin de s’assurer qu’elle ne se mettra pas dans des emmerdes inutilement.

— Tu vois cette mèche reliée à la bonbonne ? Je peux t’assurer que le gars sait ce qu’il faisait et qu’il a eu le temps de s’en aller sans une égratignure. répondit C.J fière à l’idée de pouvoir montrer à sa soeur qu’elle en avait appris des choses et qu’elle n’était plus la droguée reclus dans son appartement. Et même si le nom du lycée fait sourire sa soeur aînée elle a du mal à partager son humour. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle vient de découvrir que son ex-petit ami n’était pas aussi blanc qu’il le prétendait et parce que sa soeur commençait sérieusement à lui taper sur le système avec son interrogatoire. Elle préféra rester de marbre, faisant ainsi comprendre à Harry qu’elle n’avait pas le coeur à rire. — Alors quoi ? Je suis une menteuse maintenant ! lâcha C.J avec énervement — de mieux en mieux … dit-elle dans un soupir. À vrai dire ça ne l’étonnait pas tant que ça si ce n’est qu’elle espérait que sa soeur ait une meilleure vision des choses maintenant mais il semblerait que la panaméenne se soit trompée. C.J elle bouillonne et si ça n’avait pas été sa soeur qui se trouvait en face d’elle à ce moment même, elle aurait déjà dégainé son poing. C’est comme si elle était programmée génétiquement pour tout le temps lui faire des leçons de moral ou remettre en cause tout ce qu’elle a pu faire. — Tu sais quoi Harry, j’ai même pas envie de me justifier. Ok d’accord tu as raison sur toute la ligne, Julian faisait du trafic de drogues et tu sais quoi j’en faisais même avec lui. finit-elle par dire pour montrer à sa soeur que c’était complètement stupide de penser ce genre de choses. C.J a beau avoir tous les défauts du monde, elle ne mentait pas tout du moins quand elle n’était pas sous l’emprise de la drogue. — Alors ça c’est la meilleure ! C’est vrai que tu m’as accueilli à bras ouverts quand je suis arrivée dans votre famille. lui fait-elle remarquer insinuant qu’elle n’avait jamais vraiment apprécié sa venue dans la famille Lopez. Tout du moins, c’était le ressenti que C.J avait eu. — Tu t’es jamais demandé pourquoi j’ai toujours eu envie de m’éloigner de vous ? lui balance-t-elle en pleine figure pour lui faire comprendre qu’elle était la raison de sa fuite. Même si ce n’était pas totalement vrai, elle avait juste envie de blesser son aînée comme pour lui renvoyer l’ascenceur. — T’exagère pas un peu là ? lui fait remarquer la pompière lorsque sa soeur lui dit qu’elle aurait eu cette conversation dans un poste de police menottée. C.J n’était pas une grande connaisseuse du monde policier mais elle avait vu suffisamment de séries policières pour savoir qu’on ne menottait pas quelqu’un qui avait un lien avec la victime. — Voilà, on y es mon passé, ce fardeau que je me traîne mais c’est sûr que si tu es toujours là pour me le rappeler ça va pas être facile pour moi d’aller de l’avant ! c’était tout ce qu’elle demandait C.J, faire table rase du passé. Recommencer à zéro mais Harry ne l’entendait pas de cette façon, elle restait persuadée que sa petite soeur avait toujours quelque chose à se reprocher et ça ne changerait pas. — J’ai jamais demandé à ce que tu me protèges, je veux juste une soeur qui me soutienne et qui ne remette pas en cause la moindre de mes paroles finit par dire C.J pour faire comprendre à la policière qu’elle attendait juste un peu de soutien de sa part. Elle hocha la tête lorsqu’Harry parla à nouveau de l’affaire pour lui envoyer une liste de ceux qui traînaient avec Kurtis à l’époque. La jeune panaméenne gardait le visage fermé, elle n’était pas prête à pardonner à ses soeurs les propos qu’elle avait tenus à son égard. Sans compter sur le fait que certains de ses collègues avaient dû certainement entendre leur conversation. Sur les conseils de sa soeur, elles reprirent le chemin de la sortie. Elle entend les excuses d’Harry mais elle ne préfère ne rien dire, elle est sûre qu’elle jubile à l’intérieur d’avoir prouvé à C.J qu’elle avait raison depuis le début. — J’interfèrerai pas dans ton enquête « ni même dans ta vie » se retint de dire C.J avant de retourner dans son camion sans même adresser un au revoir à sa soeur. Elle qui pensait que leur relation avait avancée d’un pas, elles venaient tout juste d’en faire deux en arrière.