Perfect paradise, tearin' at the seams | Jake

Jake & Amalia
Perfect paradise, tearin' at the seams

Voilà plusieurs jours que tu n’es plus que l’ombre de toi-même. Déjà que ta vie a pris une tournure improbable, ce qui vient de t’arriver a fini de te donner le coup de grâce. Ta grand-mère, la personne la plus importante dans ta vie, la seule famille qu’il te reste, est décédée. Un choc pour toi, qui ne pensait pas que cela arriverait avant des années. Cette femme, c’était ton roc, ton point d’encrage. Ton phare dans la pénombre. Et maintenant ? Maintenant tu es complètement perdue. Tu as posé les deux jours de congés que l’on vous accorde dans le cas de décès, pour t’occuper des funérailles. Mais tu n’as pu te résoudre à retourner au travail ensuite. Alors tu es restée chez toi. La chance, si on peut voir comme ça, a voulu qu’on soit vendredi donc, un seul jour de congé à poser de ceux qu’ils te restent. Et ce weekend, tu ne travailles pas.

Tu n’as rien fait aujourd’hui. Tu n’es pas sortie, tu n’as vu personne. Tu n’arrives pas encore réaliser. Tu n’as quasi rien mangé de la journée, enfoncée dans ton canapé devant la télé, toujours en pyjama. Tu n’as pas pris la peine de t’habiller, même après avoir pris une douche. De toute façon, tu n’attends aucune visite. Tu es un véritable zombie, regard rivé vers le petit écran sans comprendre ce qu’il se passe du film qui se déroule sous tes yeux. Et tu n’arrêtes pas de pleurer. Les larmes ne cessent de couler sans discontinuer. Pas de sanglots, juste cette eau salée qui glisse sur tes joues en silence.

Alors, quand la sonnerie de ton appartement retentit, tu sursautes sous la surprise. Tu n’attends personnes alors, tu ne bouges pas dans un premier temps. Mais quand la sonnette se fait à nouveau entendre, tu décides enfin à bouger. Tu allumes la lumière du couloir et, passant devant le miroir de l’entrée, tu fais de ton mieux pour faire disparaître les traces sur ton visage malgré tes yeux rougis et un peu bouffis, avant d’essuyer rapidement ton nez. Clairement, tu as une sale gueule. Face à la porte et après avoir tourné les clefs, tu inspires un grand coup. Tu n’as même pas pris la peine de regarder par le Juda pour voir de qui il s’agit, alors qu’habituellement, tu le fais à chaque fois. Du coup, lorsque la porte s’ouvre sur cette silhouette si familière tu te figes de surprise. « Qu... Qu'est c’que tu fais ici ? » que tu demandes avec étonnement à ton coéquipier que tu ne pensais pas revoir de si tôt.

Il appuie sur la sonnette à côté de la porte et retient sa respiration quelques instants. Lorsqu’il réalise que rien ne bouge dans l’appartement ou que, en tout cas, il n’entend rien, il pousse un petit soupire. Il se dit qu’il a l’air con planté là si elle n’est même pas chez elle. Pire, si elle ne veut pas lui répondre. Il tente tout-de-même une autre fois la sonnette. Cette fois, il entend des pas venir vers lui à travers la porte. Son cœur bat plus vite, il le sent dans sa poitrine. Merde, qu’est-ce qu’il va bien pouvoir lui dire? Il n’est pas doué avec ses mots, la plupart du temps, encore moins lorsqu’il stressé comme aujourd’hui.

La porte s’ouvre finalement sur une jeune femme surprise et aux yeux un peu bouffis. Elle lui demande ce qu’il fait ici. Visiblement, elle ne comprend pas ce qui est en train de se passer. Pour être honnête, Jake non plus, mais il ne pouvait pas faire autrement lorsqu’il a appris pour le décès de la grand-mère de sa coéquipière.

« Hey. » Il hausse un peu les épaules, l’air gêné, en lui montrant les deux sacs qu’il porte. « Euh, je t’ai fait quelques trucs à manger. » Il sait qu’elle sait qu’il n’est pas un cordon bleu, loin de là, mais il sait quand même se débrouiller avec une recette claire, et puis il lui a fait les quelques plats qu’il sait qu’elle adore, dont son dessert préféré. Peut-être que ça paraît bizarre de sa part, mais c’est un truc qu’il a vu faire ses parents toute sa vie pour remonter le moral de leurs amis et famille. « Je… » Il regarde un instant autour de lui, mal à l’aise. « Je peux te les déposer ici ou dans la cuisine… Comme tu veux. » L’ambulancier n’a pas envie de s’imposer, d’entrer sans vraiment avoir sa permission ou qu’elle s’y sente obligée, mais il espère quand même qu’elle veuille le voir. Plus personne n’a vraiment envie de lui parler depuis qu’il a trompé Maxine. Amalia, elle au moins, elle le comprend sans doute, non? Elle sait qu’il n’a pas fait ça dans le but de blesser Max. Elle sait qu’il n’a pas prévu ce qui s’est passé. Ils n’ont pas voulu la blesser et ils ne l’ont pas prévu, en fait. C’est plus compliqué que ça en a l’air. Jake le paie jour après jour. Quelques personnes de ses connaissances communes avec Max ont fini par être au courant, et bien que certains se mêlent de leurs affaires, beaucoup d’entre eux disent qu’ils prennent le côté de Max, comme si Jake était contre elle. Il ne l’est pas. Il sait qu’il a commis une erreur, il n’a jamais dit le contraire. Il aurait quand même préféré que personne d’autre que ceux concernés soient au courant. Il en a honte, c’est vrai, parce qu’il n’est pas un homme infidèle, ce n’est pourtant pas en lui, ni en Amalia d'ailleurs.

Ça ne lui empêche quand même pas d’être complètement troublé par ce qu’il ressent en voyant Amalia les yeux et le nez rouge d’avoir pleuré. Il a envie, une envie quasiment irrésistible, de la serrer dans ses bras. Il voudrait la réconforter. Le truc, c’est qu’il ne sait pas si ce serait approprié. Il ne sait pas encore ce qu’elle pense vraiment de tout cela. La dernière fois qu’ils se sont vu, elle l’a ramené chez lui du bar complètement saoul. Ce matin-là, ils ont peu discuté, mais il se rappelle qu’elle lui a dit qu’elle serait toujours là pour lui. « J’ai appris ce qui s’est passé et je voulais te souhaiter mes condoléances.» Il se mord la lèvre. « Je voulais voir comment tu allais, voir s’il n’y avait pas quelque chose que je pouvais faire pour toi. » Parce que lui aussi, il lui a promis la même chose.

Jake & Amalia
Perfect paradise, tearin' at the seams

Tu n’arrives pas cacher ta surprise qui se lit aisément sur ton visage. Tu ne t’attendais pas à de la visite et encore moins celle de Jake. La dernière fois que vos vous êtes vus en dehors du travail, il était dans un sale état. Tu l’as ramené chez lui complètement bourré et tu es restée le matin pour lui préparer quelque chose. Mais tu n’es pas restée longtemps après qu’il ait émergé de sa cuite de la veille. Tu sentais bien que ta présence le gênait. Que ce n’est pas à toi qu’il s’attendait ou qu’il aurait voulu voir… Alors tu ne t’es pas imposée outre mesure. Déjà que l’appel reçu ne venait pas de lui mais du barman… Et depuis le soir où vous avez dérapé, il y a cette distance entre vous dès que vous êtes tous les deux. En intervention, c’est comme si rien était arrivé mais une fois seuls dans l’ambulance, c’est le silence qui s’installe. Alors oui, le voir toquer chez toi a de quoi t’étonner. Sur le coup tu ne comprends pas ce qu’il vient faire ici, les bras chargés. Tu hausses un sourcil quand il affirme t’avoir fait à manger. « Tu m’as fait à manger ? » que tu répètes tel un perroquet d’une voix étonnée, avant qu’un léger rire ne s’échappe d’entre tes lèvres. Tu sais à quel point il est nul en cuisine. Et ton visage s’adoucit tandis qu’un sourire sincère s’esquisse. Tu es touchée par ce geste d’attention. Bien plus que tu ne le devrais. Alors, quand tu le vois bafouiller, tu ouvres un peu plus la porte et t’écartes pour le laisser entrer dans ton appartement. Tu ne devrais pas, tu le sais bien. C’est te faire du mal pour rien. Mais c’est plus fort que toi.

Une fois à l’intérieur, tu verrouilles à nouveau l’entrée, pivote vers lui bras croisés. Tu ne sais pas trop quoi dire tandis qu’il avance vers la cuisine pour déposer les plats qu’il a fait et que tu le suis en silence. Curieuse, tu n’attends pas pour voir de quoi il s’agit et, encore une fois, c’est la surprise qui s’empare de toi lorsque tu te rends compte qu’il a fait tout ce que tu préfères, dont ton dessert favori. Et instantanément, tu as le cœur qui bat plus fort. « Merci…. » que tu souffles, le rouge qui te monte aux joues tandis que tu en profites pour ne pas le montrer en allant mettre le tiramisu aux cookies dans le frigo. Tu n’avais pas spécialement faim mais fort est de constater que l’odeur qui se dégage des plats, alors que tu reviens et les places sur le comptoir, t’ouvre l’appétit. Une multitude de questions prennent place dans ton esprit. Méfiante de nature, tu sens bien qu’il n’a pas fait tout ça sans une idée derrière la tête. Qu’il n’a pas décidé de passer à l’improviste sans une bonne raison. Mais avant que tu ne puisses lui demander quoique ce soit, il répond de lui-même à la question silencieuse de sa présence chez toi. Tu te figes, les poings qui se serrent sur le plan de travail. Tu aurais dû t’en douter, mais tu ne sais pas comment il a pu être mis au courant. Et bien malgré toi, tu sens déjà les larmes venir troubler ta vision. Tu secoues la tête, prends sur toi, lorsqu’il demande s’il peut faire quoique ce soit. Tu voudrais lui demander de te prendre dans ses bras, mais tu sais que ce serait déplacé. Alors, tu ne dis rien. « C’est déjà gentil d’être venu et… de m’avoir fait tout ça. » que tu essayes d’articuler convenablement, faisant un signe de la main vers les plats tout en prenant sur toi pour ne pas craquer complètement. D’un geste rapide, tu essuies les larmes qui roulent sur tes joues avec la manche de ton haut de pyjama, tout en allant vers le tiroir à couverts. Et tu te gifles mentalement pour ne pas avoir enfilé quelque chose de plus approprié pour recevoir un visiteur. « Tu manges avec moi ? » que tu lui demandes avec un léger sourire, osant enfin, pour la première fois depuis qu’il est là, lever ton regard vers lui.