() Sujet: don't let go / maxine Dim 7 Juil - 13:08
i know that you're tired of being alone - - - - - - - - - - - - - - - - - @maxine mortensen
Etendu sur le canapé, un pied posé sur le sol et les yeux rivés au plafond. La douleur s’est infiltrée jusque dans ses poignets, se diffuse lentement vers ses épaules. Il ressent encore le choc des coups portés, de ceux encaissés. Ses doigts sont encore violacés, sa lèvre inférieure tuméfiée et son arcade sourcilière droite porte les marques du combat qui s’est achevé aux alentours de trois heures vingt le même matin. Les billets remportés cette nuit traînent sur la table basse, encore les mégots de clope qu’il fume toujours en rentrant chez lui comme pour aider à évacuer la rage qui coule et se répand dans ses veines. Il se redresse lentement, la grimace plaquée sur ses lèvres à cause de ses côtes qui le lancent, de cet hématome au niveau de ses reins qui se rappelle à lui. Il est de congé, aujourd’hui – il l’a demandé à son chef parce qu’il se sait incapable de se traîner jusqu’à la caserne un lendemain de combat, parce qu’il sait que conduire l’ambulance serait au-delà de ses forces. Et pas uniquement à cause de son œil gonflé. A cause de Kyle. Parce qu’aujourd’hui, ça fait cinq mois. Il a le pied qui traîne jusqu’à la cuisine, un sac de glace qu’il applique contre son œil, sa main libre agrippée au plan de travail contre lequel il repose. Il a l’impression d’attirer la mort sur son entourage, de lui offrir des âmes à récupérer sitôt qu’il a le malheur de s’attacher à quelqu’un. D’abord son père, ensuite Kyle. C’est trop. Il ferme les paupières pour se revoir garée l’ambulance devant la banque, débarquer à l’intérieur avec le kit médical et échanger un regard avec son équipier. Les flics avaient déjà sécurisé le périmètre, précisé le nombre de blessés et Fitz, il ne lui avait fallu qu’un regard pour reconnaître la silhouette de Kyle sur le sol. Il peut encore sentir son sang entre ses doigts, entendre sa respiration irrégulière, le mouvement de sa poitrine tandis qu’il lui administrait un massage cardiaque dans l’espoir de lui permettre de vivre jusqu’à l’hôpital. Il se souvient de la ligne plate sur le moniteur, du cri d’agonie qui n’était pas parvenu à quitter ses lèvres.
La voiture est arrêtée devant le portail du cimetière avant même qu’il ait conscience de s’y être rendu. Les mains posées sur ses cuisses, le moteur qui ronronne encore doucement, le regard rivé sur le nom des lieux. Il devrait probablement faire demi-tour parce que se rendre sur la tombe de Kyle ne changera rien au fait qu’il n’a pas réussi à le sauver – qu’il aurait dû le sauver. Mais son cœur se fait prendre en étau tout à coup et il coupe le contacte, quitte l’habitacle lentement pour déambuler dans les allées entretenues. Il a les mains dans les poches, ni fleur ni bouteille à déposer, pas même des excuses à prononcer parce qu’il les a déjà trop répétées et que ça n’a rien apaisé – ni sa conscience, ni sa culpabilité. Il tourne, aperçoit quelques visages baissés, des robes noires, des silences qui pèsent sur ses épaules. Et puis, une silhouette face à la tombe de Kyle. Il s’arrête, hésite à continuer parce que Maxine a probablement besoin d’être seule – ou, en tout cas, n’a sûrement pas besoin de lui en cet instant. Il garde une distance raisonnable pendant encore plusieurs minutes avant de se décider. D’approcher à pas légers, l’air nonchalant. Pas affecté. Il se place aux côtés de Maxine sans un mot, à peine un regard jeté en coin dans sa direction pour la saluer en silence. Il note les fleurs fraîches qui ornent la pierre, les herbes folles qui font mine de vouloir la recouvrir sans vraiment y parvenir. Et le nom, imprimé de lettrage doré, qui ravive une blessure qu’il aurait préféré oublier. Le silence s’étale, dure plusieurs minutes ou peut-être une éternité. Chacun dans ses pensées, dans ses souvenirs du temps passé avec Kyle – l’ami, le frère. De l’enfance à l’âge adulte, des fragments de vie aléatoires partagés avec cette joie de vivre, ce pilier en toute situation. « Je me souviens de sa manie, insupportable, de savoir ce qui n’allait pas sans même qu’on ait besoin de parler. C’était impossible de lui cacher quelque chose, même une surprise party pour son anniversaire. Il le devinait direct. » Kyle, il était comme ça : perspicace, capable de lire même dans l’âme du plus mystérieux des êtres vivants.
() Sujet: Re: don't let go / maxine Lun 2 Sep - 11:00
Le rire s’étrangle avant qu’il n’ait le temps de le laisser sortir. Il imagine bien mieux qu’il ne veut l’admettre. Se rappelle des discussions avec Kyle, à Orlando. Se rappelle de ses haussements d’épaule quand il était question de sa petite sœur. Se rappelle les soupirs partagés à l’époque. Les disputes, aussi. Il a regard qui s’assombrit, Fitz, au souvenir des cris et des coups portés l’un à l’autre. Kyle, il avait été le premier à deviner son état d’esprit après la mort de son père. A fucking pain in the ass pour l’adolescent qu’il était alors. Un frère qu’il n’a jamais eu et qui a tenté, tout tenté, pour le tirer de sa spirale sans fin. Kyle, il lui a sauvé la vie en l’empêchant de se mêler à des combats au couteau ; Kyle, il l’a gardé hors des gangs et des sales histoires. Et lui, il n’a pas été foutu de relancer son foutu cœur pour le garder en vie. « Une vraie tête de nœud, » qu’il lâche finalement avec un pincement au cœur. « A toujours vouloir savoir ce qui n’allait pas et s’assurer qu’on allait bien. » A protéger comme s’il en était de son devoir alors qu’il aurait dû assurer ses arrières. Il a la rage, Fitz. La rage de ne pas avoir su l’aider ; de ne pas avoir pu le tirer hors des magouilles malhonnêtes dans lesquelles la famille Mortensen traîne depuis bien trop longtemps. Kyle, il a toujours fait tâche dans ce décor familiale – avec Maxine. Une âme bienveillante, aimante pour un univers bien trop sombre et violent. Ça fait mal. Pas autant que d’avoir eu à annoncer à la famille entière le décès du meilleur d’entre eux. Les lèvres pincées du père. Les larmes dans les yeux de la mère. Et Maxine, plus tard – bien plus tard. Un regard échangé pour partager une douleur qu’ils enfouissent aussi bien l’un que l’autre. Deux silhouettes éloignées lors de l’enterrement. Il n’a pas cherché à échanger le moindre mot avec les parents de Kyle ; il a préféré imaginer qu’ils lui reprochaient le décès de leur aîné de la même façon qu’il culpabilisait de ne pas l’avoir sauvé. D’avoir laissé le volant à son collègue parce qu’il tenait à être celui qui ranimerait Kyle. Parce qu’il était incapable de laisser son frère aux mains d’un autre. Quel con.
Il baisse le regard sur la bouteille décapsulée, un sourire grignoté sur les lèvres tandis qu’il accepte l’offrande. « T’as toujours su faire les plus beaux compliments. » Il sait pourtant qu’elle a raison. La faute au chagrin, qu’il voudrait prétendre tout en sachant que ce n’est qu’une excuse. Il redoute la question qui arrive quasiment juste après, contemple l’idée de lui avouer la vérité. Celle-là même que Kyle connaissait. Celle-là même qui a brisé leur amitié, à Orlando. Peut-être qu’elle comprendrait, Maxine. Il ne prend pas le risque. « Une divergence d’opinion qui a mal tourné, » ment-il avec un haussement d’épaule qu’il veut désinvolte. Sans doute qu’elle sera capable de voir qu’il détourne la réalité – elle est flic, après tout – mais il ne se concentre pas sur ça. Pas aujourd’hui. Il tend sa bouteille pour trinquer, attend que le verre cogne contre le verre. « A Kyle, le plus grand emmerdeur and yet le meilleur frangin qu’on aurait sans doute pu espérer. » Il descend une gorgée, à la mémoire du pote disparu. En souvenir des fous rires partagés. Un rappel à ce passé qui lui semble être devenu trop lointain, maintenant. Les nuages s’assombrissent, plein d’une eau qui ne se déverse pas encore. Il y a une odeur de pluie dans l’air, un vent qui se lève tranquillement. « Tu te souviens de cette fois où il est arrivé complètement déchiré pour son anniversaire surprise ? C’était pour quoi… Ses vingt ans ? Ses vingt-et-un ans ? » Ou peut-être plus tôt – peut-être plus tard. Il n’arrive plus à se souvenir si c’était à Orlando, ou ici. Ça semble dater d’une autre vie. Peut-être est-ce le cas. Une autre vie, une autre époque. Il y a cinq mois, seulement. Il y a déjà cinq mois. Il est incapable de penser à Kyle comme d’une figure du passé ; c’est pourtant devenu le cas. Bientôt, la moitié d’une année se sera écoulée sans sa présence auprès de lui, auprès d’eux et après ça, Fitz sait que le temps ne fera que défiler à la vitesse de l’éclair. Après, le visage deviendra flou sous ses paupières, le timbre de sa voix se fera moins évident et, éventuellement, il finira par oublier. Comme pour son père, devenu depuis longtemps une silhouette géante (il sait que c’est idiot, que si son père était encore en vie, il ne lui apparaîtrait plus comme ce géant de pierre maintenant qu’il a grandi) dont la voix n’est qu’une déformation de la sienne.
() Sujet: Re: don't let go / maxine Lun 7 Oct - 10:34
Il hausse les épaules, Fitz, incapable de trouver d’autres mots pour expliquer l’état de sa gueule. Il n’est pas sûr que Maxine comprendrait, pas sûr qu’elle ne rejoindrait pas le club de ceux qui lui donnent des leçons et qui essaient de le tirer vers le haut quand il cherche à rester en bas. Il sait pourtant qu’ils ont raison, tous, et que frapper ne l’aide pas – ça n’apaise toujours pas la douleur provoquée par l’absence de son père dans sa vie, même après toutes ces années et il sait que ça n’apaisera pas davantage l’absence de Kyle, maintenant. Mais c’est son seul moyen pour communiquer une peine qui le dépasse, pour parvenir à faire ressortir toutes les émotions qui s’entrechoquent au fond de lui depuis bien trop longtemps alors il garde sa solution. C’mieux que l’alcool, mieux que la drogue, qu’il se dit pour se donner bonne conscience, tout en sachant pertinemment que viendra le jour où il ne pourra plus faire semblant. « J’suis obstiné quand on me lance sur certains sujets. » Il lui flashe un sourire en coin pour détendre l’atmosphère, pour détourner l’attention, aussi. Il appréhende d’autres questions qui ne viennent pas et il lui en est reconnaissant même si les mots de remerciement ne quittent pas ses lèvres. Il ne sait pas faire, Fitz. La bouteille serrée entre trois doigts, il lit et relit les mêmes lettres dorées jusqu’à s’en imprégner. Il échangerait leur place sans ciller – Kyle, il méritait mieux que de finir comme ça. Il sait qu’il devrait penser à Charlie, qu’il devrait se dire qu’il a un fils sur lequel il doit veiller mais à quoi bon prétendre – il fait un mauvais exemple pour sa progéniture et Vitto s’en sort bien mieux seule qu’avec lui dans les pattes en plus. Ça tinte, ça clique et il sent l’angoisse monter de ses entrailles pour se loger dans sa gorge. Les yeux voudraient lui piquer mais les larmes restent prudes, enfouies au fond de lui. Il pleure mais de l’intérieur.
Des chiens aboient, couinent, s’enfuient. Il les entend au loin, mais son attention reste sur cette tombe, sur les souvenirs qui affluent de sa mémoire et qu’il partage à voix haute. Il ricane, se souvient bien de cette soirée malgré quelques blancs sur la fin. « C’était à cette soirée qu’on avait essayé de rentrer par la fenêtre du grenier ? » Il fronce les sourcils, les souvenirs se mélangeant les uns aux autres parce que ça semble dater d’il y a une éternité. « Tu sais qu’on a fini par la croiser, votre mère ? J’ai dû lui parler pendant qu’il s’enfuyait dans la chambre parce qu’il tenait à peine debout. Je crois bien que j’ai lancé un faux débat sur un épisode de Friends pour qu’elle s’intéresse pas à Kyle. » C’est un peu vague, complètement flou – sans doute que le manège ne sera pas passé totalement inaperçu auprès de la matriarche Mortensen, d’ailleurs. Ses épaules sont secouées d’un dernier rire avant que la nostalgie douloureuse ne revienne avec force. Il opine parce qu’il comprend, Holden. « C’était le mien aussi, » souffle-t-il, la voix enrouée tout à coup parce que c’est la première fois qu’il l’avoue à voix haute. La première fois qu’il se rend compte combien c’est vrai, surtout. Kyle, il était un vrai modèle à suivre ; à toujours rester brave, toujours garder la tête froide et à se montrer juste. Capable de maîtriser ses émotions, malgré tout ce qui pouvait se passer. A pardonner même quand c’était pas mérité. Elle a raison, Maxine, quand elle affirme qu’il ne tourne pas le dos – parce qu’il n’y a pas qu’à elle qu’il n’a pas tourné le dos. Kyle, il ne lui a jamais tourné le dos à lui non plus, même quand Fitz n’attendait que ça. Même quand il ne demandait que ça. Et il l’a accueilli à bras ouverts quand ils se sont retrouvés en effaçant les disputes, les poings et les injures. Il a tout mis de côté parce que c’était un putain de bon pote – et lui, lui, il ne vaut juste rien en comparaison.
« Fais comme moi et oublie-le malencontreusement chez toi. » Il lui jette pourtant un regard compatissant parce qu’il sait ce que c’est. Le téléphone qui sonne régulièrement, les jours de congé abrégés à cause d’une urgence – mais aujourd’hui, il a vraiment laissé le portable sur sa table basse. Parce qu’aujourd’hui, c’est dédicacé à Kyle et à personne d’autre et tant pis si le monde s’effondre. Ça ne pourra sans doute pas être pire, de toute façon. Il lève les yeux pour la scruter un instant, le cœur gonflé d’un soulagement qu’il partage – il ne sait pas vraiment pourquoi mais il a toujours su que Maxine ne l’accuserait pas de ne pas avoir su sauver Kyle. C’est idiot, très probablement. Il pose la bouteille au pied de la tombe, tend une main jusqu’à toucher l’épaule de Maxine et, lentement, il l’attire dans une étreinte réconfortante. Lui laisser l’occasion de pleurer la perte d’un frère – ou bien juste se laisser aller contre ce qui semble être la seule autre personne capable de comprendre les émotions ressenties. Il ne sait même pas s’il l’a enlacée pour la réconforter ou pour se réconforter – sans doute un peu les deux, en vérité. Ils restent un instant dans cette position, le silence entre eux, à se consoler du mieux qu’ils peuvent lorsque la sonnerie retentie. Aiguë et grave à la fois. Une alerte lancée à la ville entière, annonciatrice d’une catastrophe et Fitz, il relâche Maxine pour lancer un regard aux alentours. Pas de nuage-champignon, pas d’avion dans le ciel – aucune alerte à la bombe nucléaire (une menace qu’il prend de plus en plus au sérieux depuis que Trump est monté au pouvoir), aucune guerre soudainement déclarée. Il y a un grésillement et puis la voix déformée du Maire qui résonne pour prévenir d’un tsunami, les gestes de sécurités sont répétés et Fitz, il baisse le regard vers Maxine. « Je pense que pour une fois, tes collègues avaient une bonne raison d’essayer de te contacter. » Il se retourne à moitié pour essayer de repérer des hauteurs sur lesquelles se percher mais à part un mausolée, il n’y a rien de visible et de suffisamment proche. « Viens. » Il lui attrape la main pour l’entraîner en direction du bâtiment dans lequel il a l’intention de se réfugier au pas de course. Ils n’ont pas fait la moitié du chemin qu’il sent les doigts de Maxine lui échapper – il se sent être propulsé en avant, comprend que l’eau le submerge lorsqu’il ouvre la bouche pour essayer de prendre une inspiration. La vague vient de frapper les berges et engloutie une partie de la ville – et lui, il se débat pour essayer de retrouver la surface, les yeux peinant à rester ouverts tandis qu’il bat des pieds et des mains, les poumons en feu, les poumons en manque d’oxygène trop vite et quand il perce enfin la surface de l’eau, il crache, tousse, inspire de grandes goulées d’air, emporté par le torrent qui continue de se déverser dans les allées. Il tend un bras, parvient à attraper une branche basse d’un arbre et, au prix d’un gros effort, il parvient à se hisser sur celle-ci. Il souffle, lance un regard, la panique s’emparant finalement de lui quand il s’aperçoit que Maxine n’est nulle part dans son champ de vision. « Maxine ! » Fuck. Il fouille des yeux, n’aperçoit ni chevelure, ni rien alors il plonge pour essayer de la retrouver.
() Sujet: Re: don't let go / maxine Mer 30 Oct - 9:52
Il prend un air outré, la bouche ouverte et les yeux écarquillés. Son expression est ridicule, exagérée, peu crédible – mais il s’en moque parce qu’il a envie de rire, de rire vraiment et c’est une sensation qu’il a oublié depuis un moment. « Arrête, pas à chaque soirée, quand même. Il nous est arrivé d’être sages ! » Au moins à l’époque d’Orlando ; moins une fois arrivés à Miami parce qu’ils avaient vieilli et qu’il fallait bien profiter de la vie. Malgré la noirceur qui les avait déjà gangrenés. Pourtant, force est de constater que tous les souvenirs qui lui viennent se sont terminés par un sacré mal de crâne le lendemain et, parfois, quelques black out au milieu de la nuit. Des soirées terminées chez l’un ou chez l’autre, plus souvent chez Fitz que chez Kyle parce qu’il était plus simple de prétendre auprès de Vitto que de Madame Esposito. Il hausse les épaules, la bouteille proche de ses lèvres. « Probablement pas, non, mais elle a eu la gentillesse de ne rien dire. » Sans doute qu’elle a pincé les lèvres et parler à son fils en privé mais ça n’a jamais empêché l’aîné de la fratrie de recommencer. Il tourne la tête vers Maxine, le sourire fané sur les lèvres parce qu’il s’est éloigné des Esposito il y a longtemps et qu’il n’a plus de contact avec eux depuis presque autant de temps. Il connaît la situation, bien sûr qu’il la connait parce que Kyle n’a jamais eu de secret pour lui mais il n’a pas vu le changement de comportement. Sait qu’il n’est pas un bon fils pour sa mère qui, pourtant, n’a jamais cessé de faire de lui sa priorité et voir Maxine avec cette nostalgie au fond du regard, ça le rend coupable de ne pas faire davantage d’effort. Parce qu’elle, elle a des parents qui ne veulent plus d’elle, qui l’ont empêché d’enterrer son frère. Et lui, il ne peut pas comprendre. Il ferme les yeux, les poings serrés et la mâchoire contractée. L’envie de cogner. L’envie d’hurler. « J’en doute pas. » Et il n’en doute pas, voudrait pouvoir l’accompagner dans sa quête de vengeance mais il sait que ce n’est pas sa place ; se doute qu’il serait un boulet qu’elle traînerait et il préfère ne pas être là quand elle passera les menottes au salop qui a fait ça. Parce qu’il aurait envie de le cogner, de le faire saigner, de vider sa haine et sa colère contre lui et ça ne pourra pas bien finir.
Maxine blottie entre ses bras, il s’autorise à souffler. Enfin. Un souffle court, un soulagement trop bref pour lui ôter le poids de ses épaules – mais c’est un début, c’est ce dont il essaie de se convaincre à l’instant où l’alarme retentit. Il est déjà en train d’analyser le cimetière, les lieux surélevés sur lesquels ils peuvent essayer de trouver refuge parce que la vague va frapper sur la plage et qu’ils sont un peu plus dans les terres, donc même si le courant est fort, ça devrait être atténué et peut-être qu’un toit de mausolée pourrait suffire pour les mettre hors d’atteinte. Occupé à calculer, il manque de ne pas entendre la confession de Maxine, ne tourne la tête dans sa direction qu’au moment où il lui attrape la main. « Quoi ? » Il la dévisage, reconnaît la panique sur ses traits et il déglutit. Réfléchir, réfléchir. Vite. Plus vite. « T’auras pas besoin de nager. » C’est une affirmation parce que même dans l’éventualité où ils n’ont pas le temps de se percher (et il préfère ne pas se rappeler qu’ils ne l’auront probablement pas), la puissance de frappe les emportera, rendant toute nage futile. Il comprend néanmoins ce qu’elle essaie de lui dire et il se focus sur un point d’encrage. Ignore la petite voix qui lui répète les mots de Maxine, achevant de le convaincre que leur fuite est inutile. Et comme pour leur donner raison, la vague les submerge à cet instant. Les doigts glissent, l’eau l’engloutit pendant plusieurs secondes durant lesquels il se bat, le cœur affolé, les poumons suffoquant tandis qu’il pourfend l’eau pour retrouver la surface et inspirer l’air. Il tousse, le corps douloureux, déjà épuisé. Mais ce n’est que le début. Aucune trace de la brune aux alentours et il sent la panique le gagner. Non. Il hurle son prénom, s’époumone à essayer d’attirer son attention, aperçoit des formes sous l’eau qu’il ne peut pas distinguer clairement. Non, non, non. Pas encore. Il plonge, affronte le courant qui voudrait l’emporter, se rattrape à un poteau. « Maaaaax ! » La voix rauque, la voix brisée de trop crier mais il continue parce qu’il doit la retrouver, qu’il ne peut pas abandonner. L’eau est trouble, impossible d’y voir alors il garde la tête à la surface, traverse la rue en s’accrochant à tout ce qu’il trouve. Finit par l’apercevoir. « Max ! Ne bouge pas ! » Le torrent fait plus de bruit que sa voix ne porte, il n’est pas sûr qu’elle l’ait entendu. Il regarde autour de lui, trouve de quoi se hisser jusque de l’autre côté avant de grimper sur le toit d’une première voiture et de remonter le courant de cette façon. En passant de toit en toit, repérant d’autres citoyens, plus loin, coincés et réclamant de l’aide. Sa priorité, c’est Maxine. Il ira aider les autres après – une fois qu’elle sera en sécurité. Il arrive finalement à sa hauteur, s’allonge pour plonger une main jusqu’à elle. Ses doigts s’enroulent autour de son poignet, son autre main cherche à attraper sa veste. Et il la hisse. « C’est ce que j’essaie de faire, Max, » grince-t-il entre ses dents avant de se pencher un peu davantage. « Enroule tes bras autour de mon cou. » Elle a le regard hagard et il aperçoit ses tremblements. Fuck. Elle panique. « Max ! Max ! Ecoute-moi, j’ai besoin que tu te concentres sur ma voix et uniquement sur ma voix, ok ? » Il essaie de croiser son regard pour apercevoir un changement dans le comportement, un petit indice qui pourrait l’aider à profiter d’un instant de lucidité pour la faire monter sur le toit de la voiture. « Passe tes bras autour de mon cou, Max, » répète-t-il d’une voix maîtrisée parce que c’est son quotidien, de devoir calmer les paniqués, les angoissés et les hystériques. Un ton certain et assuré qui indique aux patients qu’il sait ce qu’il fait, qu’ils n’ont rien à craindre parce qu’il sait exactement comment réagir – même quand il ne le sait pas. Les muscles contractés au maximum, il parvient finalement à la soulever, enroule un bras de sa taille pour une meilleure prise et, se redressant à moitié, l’aide à prendre place à ses côtés sur le véhicule. « Tu vas bien ? » Il est déjà agenouillé, une main sur sa joue pour l’obliger à le regarder tandis qu’il essaie d’évaluer s’il y a un risque de traumatisme crânien ou juste un choc émotionnel trop important. Aucune blessure physique n’est visible et c’est déjà un soulagement. « Hey, ça va aller, d’accord ? » Toujours la même assurance dans la voix ; il sait pourtant que la vague va finir par faire le chemin inverse pour se retirer – et probablement en apporter d’autres. « Tu peux bouger ? Il faut qu’on se déplace. » Parce que la voiture va être emportée, elle qui navigue déjà sur les flots devenus finalement plus calmes. Il faut des hauteurs, rejoindre les terres. Il s’est relevé complètement, retrouve les personnes qui essaient de s’accrocher à un tronc d’arbre, qui esquisse des signes par la fenêtre de leur véhicule pour attirer l’attention de quelqu’un. « Il faut que j’aille les aider, tu te sens de m’accompagner ou de rester seule ici un petit instant ? » Ca aurait pas pu arriver un autre jour – un jour où il ne quitte pas son appart, de préférence.