we're far from the shallow now (k/a)

 
✕ ✕ ✕
I'm falling in all the good times I find myself longin' for change
And in the bad times I fear myself...
@Kristen Walcott

Dans la chambre d’hôtel, Ali se sent presque mal à l’aise. Bien que la chambre soit spacieuse, l’endroit lui apparait confiné pour un couple divorcé mais qui au fond, n’a jamais véritablement cessé de s’aimer. Il est surpris de l’attitude de son ex-femme qui tout de suite mentionne sa compagne en lui signalant qu’elle prendra le canapé. Il s’y oppose farouchement. « Hors de question que tu prennes le canapé ! Je préfère que ce soit toi qui prennes le lit. » Pourquoi serait-il la personne qui bénéficierait du confort le plus total ? Après tout, c’était son idée de venir ici, autant qu’elle en profite un maximum. Au sujet de Jersey, il sait qu’elle n’était pas pour ce voyage entre collègues de travail, mais comme à son habitude, elle avait gardé le silence, froide au possible en lui disant qu’elle attendrait son retour. Il sentait que depuis le retour de Kristen à l’hôpital, Molly s’était tendue. Après tout, elle connaissait leur histoire et elle avait toujours su qu’il ne l’aimerait jamais autant que ce qu’il avait aimé la mère de ses filles. « J’ai l’impression que ça l’agace que je bosse avec toi. » Qu’il souffle. « Comme ça doit probablement agacer Jack de te savoir ici avec moi. » Il ne sait même pas pourquoi il a insinué une telle chose, mais il a toujours été convaincu que Jack le jalousait, et qu’il aurait voulu être à sa place il y a tant d’années. Il n’était pas franchement emballé à l’idée de savoir Kristen chez Jack, voire en ménage avec lui, mais Sofia lui disait qu’ils étaient juste colocataires. Une part de lui voudrait que son ex-femme puisse être heureuse, mais une autre part de lui jalousait tout homme qui avait la chance de partager sa vie avec elle. Kristen lui annonce qu’il est beaucoup trop tard pour qu’ils puissent appeler leur fille et Ali ne cache pas sa déception, plus que visible sur le visage. C’est un moment qu’il a toujours adoré : souhaiter bonne nuit à sa fille ou même juste la border le soir. L’amour qu’il porte à son enfant est incroyable tant il est fort. Conscient qu’il n’est pas nécessaire de la réveiller surtout si elle est déjà dans les bras de Morphée, Ali raconte une anecdote à Kristen : « Tu sais que des fois, elle ne dort pas parce qu’elle attend que je rentre. J’ai tenté de lui faire comprendre que je préférais qu’elle dorme, mais elle n’en fait qu’à sa tête. Alors si elle dort, c’est une bonne chose. » D’ailleurs, il faisait en sorte de la déposer lui-même plus tard le matin si elle avait moins dormi parce qu’elle l’attendait. Un contrat entre eux, mais il était heureux de ne pas la voir abuser pour autant. Se déchaussant tout comme son ex-femme, il déboutonna également ses boutons de manchettes, retroussant les manches de sa chemise sur le haut de ses avant-bras. Il posa le regard sur la rouquine pour lui répondre à sa question : « C’était intéressant. On voit qu’ils savent ce qu’ils font, mais je suis quand même préoccupé par l’état de santé de Leo. Il va falloir lui administrer une chimio et une radiothérapie à forte dose et je crains qu’il ne s’en remette pas. Et puis comme l’a dit le pédiatre chef de service, la technique est bien moins risquée si pratiquée à la naissance de l’enfant en prélevant les cellules dans le cordon ombilical. Il faut prendre en compte que la mère risque de perdre ses deux enfants. » Cette dernière phrase fait écho à la situation vécue par Ali et Kristen. En voulant aller vite pour sauver son enfant, elle avait mis en danger sa cadette et sa vie également. Il ne lui rappelle pas pour lui faire de la peine, simplement pour prévenir que la mère de Leo devra mesurer les risques puisque Leo pouvait également décéder à tout moment. « T’en as pensé quoi ? » Il requiert son avis, parce qu’il veut croire que si elle est emballée, c’est que ça fonctionnera. Ali a toujours été plus mesuré, moins optimiste qu’elle, mais il ne voulait absolument pas briser ses espoirs. Une question lui brulait les lèvres. Il s’assit alors sur la chaise présente devant le petit bureau et observa la pièce. Il se demandait si Kristen espérait qu’à travers une réussite de l’opération, elle puisse finir par faire le deuil de leur enfant. Il n’osa cependant pas aborder la question. « Tu as faim ? Je peux aller nous chercher quelque chose à manger. Tu peux en profiter pour aller prendre un bain ou une douche. » D’ordinaire, ils n’auraient pas eu besoin de prendre un ticket pour utiliser la salle de bains, mais ça c’était avant.

Ali refusait de voir son ex-femme prendre le canapé. Il s’y opposait farouchement. L’idée de dormir sur le canapé lui-même n’était pas véritablement alléchante, mais il était prêt à se sacrifier, parce que jamais il ne laisserait quelqu’un subir un manque de confort tandis qu’il pouvait bénéficier de mieux. Encore moins laisser Kristen pâtir de la situation. Aussi, il réitéra ses dires : « Tu dormiras quand même sur quelque chose de plus confortable que ça. J’insiste. » D’ailleurs, il prit la liberté de poser les affaires de Kristen sur le lit et de poser les siennes sur le canapé, tout en s’asseyant sur ce dernier pour lui montrer qu’il y avait élu domicile en quelque sorte. Borné, il n’en démordrait pas. Il n’aurait peut-être pas dû mentionner Molly. Il sait que sa compagne s’inquiète, qu’elle ne reproche rien à Kristen, ni à son compagnon mais qu’il s’agit juste d’une peur qui peut être légitime. Kristen est d’accord avec cela, et un instant, les pensées du chirurgien se détourne vers cette légitimité. Le docteur Walcott n’a pas l’impression de dépasser les bornes parce qu’il préfère avoir une entente cordiale avec Kristen pour le bien de leur fille Sofia. Or, il est forcé d’admettre qu’il apprécie aussi retrouver une complicité certaine avec elle. Elle lui a manqué et son cœur s’agite toujours en sa présence. Il mentirait s’il disait que les sentiments s’étaient enfuis le jour où elle avait décidé de partir vers d’autres contrées, sans un mot. Il sait qu’ils sont là, et qu’ils ne demandent qu’à s’extirper de sa poitrine, mais ça ne serait pas juste pour la pauvre Molly. « Je sais. Peut-être qu’elle a raison. » Qu’il marmonne. Elle a peut-être raison de s’inquiéter, c’est ce qu’il veut dire, mais il s’abstient d’achever sa phrase. Sans Kristen dans les parages, il aurait déjà demandé Molly en mariage. Depuis, il hésite, il craint de faire une bêtise. Peut-être que Kristen a d’ailleurs fait un trait sur leur histoire, alors pourquoi se torturer ? Ce n’est pas comme si elle se confiait à lui désormais, elle qui n’avait aucun secret pour lui pendant de si longues années. A présent, elle avait toujours Jack dans sa vie, mais lui ne faisait pas partie de l’équation, ou du moins, n’avait plus le même impact n’étant plus que son ex. « Je crois que lui et moi on aura toujours quelque chose à envier à l’autre. » Qu’il souffle dans un sourire. Dans le passé, il se savait incroyablement chanceux. La femme la plus convoitée de l’hôpital avait été séduite par le plaisantin de service et non par le beau-gosse dragueur. Ca lui fait bizarre de partager des anecdotes sur leur fille. Il a l’impression que ça sonne faux, lui qui avait cru que leur histoire tiendrait le choc parce qu’ils étaient faits l’un pour l’autre déteste devoir imaginer ce que ça aurait été s’ils avaient franchi le deuil main dans la main. Mais encore une fois, il le garde pour lui, il se contente de sourire amusé de voir que Sofia tente tous les subterfuges possibles pour avoir l’attention des deux chirurgiens. « Comment la blâmer ? Je comprends qu’elle veuille profiter de ses parents. Je pense l’emmener en weekend bientôt. Je ne sais pas encore où… » Il avait eu cette idée parce qu’il avait l’impression de la mettre de côté à devoir jongler entre le travail, sa relation avec Molly, si bien qu’il lui semblait ne pas accorder assez de temps à celle qui le méritait le plus. Au sujet de Leo, puisqu’ils étaient ici pour lui, la chirurgienne posait la bonne question. Evidemment que les jours de Leo étaient comptés et qu’il fallait agir vite. Il secoua la tête, se pinçant les lèvres avant de répondre. « Je ne crois pas. Surtout que si Leo doit recevoir un traitement lourd, il ne faut pas que ça s’éternise. Tu veux tenter la prise de risque ? » Il se devrait de faire des examens à la rentrée de leur séjour mais surtout, il devrait préparer Leo psychologiquement. Le petit garçon avait déjà vu Alexander flancher, craquant devant le gamin alors qu’il lui avait demandé de lui parler de Marissa. Le docteur se souvenait encore de cette petite main qui l’avait attrapé et qui lui avait dit : ‘Ce n’est pas de votre faute. Sofia m’a dit que vous étiez le meilleur papa. Et moi j’ai le meilleur docteur.’ Mine de rien, ça l’avait fait sourire qu’un enfant malade ait plus d’aplomb que lui. Kristen lui fit soudainement part de ses doutes. Il avait pu saisir que les médecins de Seattle trouvaient que c’était une mauvaise idée de confier le travail à quelqu’un qui n’avait pas pratiqué depuis dix ans. Se relevant de son fauteuil, il vint jusqu’à elle, passant machinalement une main sur sa joue pour la rassurer. « Hey… T’es la meilleure à ce poste. Tu l’as toujours été. Ils n’aiment juste pas la compétition. Si on doit le faire, c’est tous les deux, c’est mon patient. Je décide avec qui je fais équipe. » Il refusait de le faire sans elle d’une part parce qu’elle était la meilleure et il en était convaincu, mais également parce qu’elle en avait eu l’idée et que ça leur permettrait peut-être d’exorciser leur propre perte si l’opération était un succès. Il s’absente momentanément, se rendant au premier petit restaurant asiatique qu’il trouve et remonte en chambre avec des plats qu’ils avaient l’habitude de manger. Il tombe nez à nez avec Kristen, une serviette nouée autour du corps, encore humide de sa douche. Il ne peut s’empêcher de la regarder, de voir qu’à sa grande surprise qu’elle n’a pas vieilli, toujours aussi magnifique de la tête aux pieds. « Tu sembles intemporelle… » qu’il lâche, encore subjugué. Il réalise soudainement qu’il ne devrait pas dire une telle chose, alors confus, il pose le repas sur la petite table et lui fait part de ce qu’il a pris : « Huh, je nous ai pris des sushis et d’autres plats japonais, j’espère que ça te va ? » Il se frotte le visage tentant de reprendre contenance. Ca y est, il est perdu. Il l’aime et il voudrait le lui crier, mais le peut-il ?

Comme elle l’annonce, le choix, elle ne l’a pas vraiment. Il ne peut se résoudre à voir celle qu’il a aimé comme personne se recroqueviller sur un canapé. Bien qu’il soit bien plus grand, il trouvera le moyen de dormir un peu. Ca n’est le temps que de quelques jours. « Yes j’ai encore de l’emprise sur toi ! » Qu’il s’amuse à plaisanter en levant les bras en signe de victoire. Il n’y a rien de glorieux à ça, mais il est ravi qu’elle ne fasse pas de la résistance et qu’elle approuve son choix. Au sujet de Molly, il se demande pourquoi il en parle avec son ex-femme. Probablement parce que des années en arrière elle était sa seule confidente, celle qui pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. A présent, il ne peut se confier à Molly sur les doutes qu’elle émet à son sujet parce qu’elle en serait bien plus inquiète. Il refuse de lui faire de la peine, il est juste perdu, parce qu’on oublie pas facilement l’amour de sa vie, même après dix ans de séparation. Il s’estimait heureux d’avoir pu continuer à vivre un tant soit peu grâce à Molly qui petit à petit lui avait permis de faire le deuil de sa relation avec Kristen, du moins jusqu’à ce qu’elle revienne à l’hôpital, là où leur histoire avait commencé. Il était persuadé qu’elle était une bonne photographe, il avait pu voir certains de ses clichés, mais elle excellait en chirurgie et il était ravie de la revoir dans son domaine de prédilection. Comme un fait exprès du destin, ça lui avait aussi permis de tirer un trait sur la rancœur qu’il éprouvait à son égard pour l’avoir détruit alors qu’il avait dû encaisser le décès de sa fille tout comme elle. Beaucoup de choses ont changé depuis le départ de Kristen, comme sa relation à Jack. Les deux hommes se tolèrent, s’apprécient parfois même, mais le combat de coqs ne cesserait jamais parce qu’ils ont toujours aimé la même femme. « Oh oui, oui, on est capables de discuter maintenant, y a du progrès en plus de 20 ans ! » Qu’il avoue dans un sourire. Et puis, Alexander souhaitait aussi que le fils de Jack s’en sorte et la maladie de ce petit garçon avait nécessairement mis la hache de guerre au placard. De la même manière, il avait fait en sorte de cohabiter au mieux avec son ex-femme dès son retour après un an d’absence, dans l’intérêt de sa fille. Il faisait passer l’intérêt des autres avant le sien. Et sa fille était son ultime priorité. Il était cependant forcé de constater que le lien entre Sofia et Kristen pouvait être renforcé, que la petite fille n’attendait que ça, alors il suggéra l’idée à son ancienne moitié. « Tu devrais profiter d’en faire de même. Elle t’admire beaucoup, tu sais. » Il n’avait jamais été question de dénigrer la mère de l’enfant dans aucune des discussions avec sa fille. Pas même lorsqu’elle lui avait demandé pourquoi ils s’étaient séparés. A l’heure actuelle, il se demandait si les parents de Leo s’étaient préparés à l’éventualité de voir leur couple voler en éclats. Mais il pensait que comme eux, ils n’étaient tournés que vers la santé de leur enfant. Après un instant de silence, le pédiatre avoue sans honte aucune que sa décision sera forcément influencée par elle. « Je suis incapable de prendre la décision tout seul pour Leo, donc je suis prêt à te suivre. J’espère juste une fin heureuse… » Il ne doute pas des compétences de la valeureuse chirurgienne qui a fait son retour malgré les critiques et qui une fois de plus a fait face dignement aux doutes à Seattle. Il doute de lui-même, à cause de son implication dans la procédure. Il espère qu’elle saura lui redonner espoir le moment venu comme il tente de lui faire croire en elle à cet instant. Ils sont si complémentaires. Mais malgré tout, la gêne s’installe entre eux comme s’ils se cachaient des choses, comme s’ils avaient l’impression de braver un interdit. Il n’a jamais vu Kristen si pudique avec lui, et alors qu’elle s’enferme dans la salle de bains suite à son compliment, il peste contre lui-même en disposant les plats ouverts sur la table. Il ne peut s’en empêcher, c’est dramatique. Alors qu’elle lui avoue toujours aimer la nourriture asiatique, il l’incite à se servir la première. « Sers-toi, je t’en prie. » Mais il sent qu’il a jeté un froid entre eux sans le vouloir, et ça le contrarie, parce qu’il a juste manqué de retenue. Pour autant, le quarantenaire a toujours dit ce qu’il pensait et il finit par l’interpeler pour crever l’abcès tout de suite. « Kris… Pourquoi y a un malaise entre nous ? C’est pas comme si on ne se connaissait pas par cœur… » Ils avaient été mariés durant de longues années, la voir déambuler en serviette avait été quotidien durant un nombre incalculable de fois. Prenant une profonde inspiration, il voulait s’excuser sauf qu’une fois de plus, ses pensées s’embrouillent et son laïus ne sort pas du tout de la même façon que ce qu’il s’était imaginé. « Je suis désolé, je n’aurais pas dû te complimenter, mais je pense ce que j’ai dit, tu n’as pas pris une ride, tu es radieuse et tu me fais toujours le même effet que lors de notre première rencontre… A la différence qu’on n’est plus des étudiants, qu’on a une vie commune derrière nous et qu’elle me manque parfois cette vie-là ; ce que je veux dire c’est que… » Il se coupe en plein vol, effaré face à ses propres propos, confus, si bien qu’il marmonne rapidement avant de se servir d’un peu de riz dans son assiette. « Pardon. Je me tais. Bon appétit. » S’il le pouvait, il se serait cogné la tête contre un mur, ou aurait tourné sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Au lieu de ça, il avait accentué le malaise.

Les choses étaient tellement faciles avant le drame, qu’il a l’impression que sa vie a changé du tout au tout. Et pourtant, parfois, il perçoit encore cette lueur dans ces instants partagés avec la femme de sa vie, la mère de sa fille. Il y a certaines choses qui ont toujours fonctionné entre eux. Par exemple, ils ont toujours approuvé les idées de l’autre, et n’ont jamais eu comme conflit que les décisions à prendre au sujet de leurs deux filles et leur mariage. Tout le reste avait été un long fleuve tranquille. Pour elle, Alexander avait toujours tout fait. Il lui concédait tout, parce qu’il considérait qu’elle avait plus de connaissances que lui, que son expérience valait mieux que la sienne. Mais il savait qu’elle avait aussi souvent laissé Ali avoir le dernier mot. Leur couple avait toujours été un équilibre parfait. Malgré sa jalousie, Ali avait accepté Jack dans la vie de sa femme, comme il avait aussi toléré William, bien que ça n’ait pas toujours été de gaieté de cœur. « Ca ne veut pas dire que tu nous verras devenir inséparables, mais il partage la vie de Sofia aussi d’un côté… » Il admet cette évidence dans une grimace. Jack en a de la chance. Walcott a l’impression qu’il a pris sa place bien que Kristen l’ait contredit à ce sujet. Il se fait probablement des idées, car Sofia lui aurait probablement soufflé qu’il avait été remplacé par le meilleur ami de son ex-femme. Elle lui racontait tout. Si elle le respectait comme son paternel, il avait parfois l’impression de devenir son plus grand confident. Sofia n’avait presqu’aucun tabou avec lui. Ils avaient comme une connexion symbiotique. Aussi, quand Kristen lui demande si leur fille s’est plainte du manque de temps passé avec sa mère, il sourit. Il ne révèlera pas les tenants et les aboutissants de leur conversation, mais il se contente de la mettre sur la voie : « Quel enfant apprécie de voir sa mère passer plus de temps avec un autre enfant ? » Mais il reconnait qu’elle prend aussi petit à petit son indépendance. « Il est important qu’elle ne te partage pas tout le temps. Le temps passe vite, profite de passer du temps avec elle. Je pense que ça te fera du bien aussi. » Ca ne demandait pas des efforts surhumains. Aller faire du shopping avec elle, ou l’emmener au cinéma, ou même se faire un plateau-télé comme elle le faisait le vendredi soir avec Ali. Il revoit leur propre situation dans le cas de Leo. A la différence près qu’il n’était pas le pédiatre de Marissa, tandis que cette fois, c’est lui qui a la responsabilité de sauver son patient. S’il s’est blâmé de ne pas avoir opéré sa fille lui-même, c’est tout l’inverse qui se produit avec Leo. Il angoisse à l’idée de se manquer. Il ne se le pardonnerait pas. Le geste de Kristen d’apposer sa main contre la sienne lui fait un bien fou, jusqu’à ce qu’elle réalise que c’est déplacé et le regard de Walcott se relève vers son ancienne moitié pour tenter de comprendre ce qui peut se passer dans sa tête. En vain. Il se sert des sushis en silence jusqu’à ce que son honnêteté légendaire explose. Mais la raison refait surface et il ne peut se résoudre à lui dire le fond de sa pensée, parce qu’il y a Molly dans l’équation, et qu’il ne veut pas lui faire de la peine. Surtout que cette dernière était déjà jalouse de les savoir seuls à Seattle. Tandis que celle qui fait battre son cœur à tout rompre, lui demande de terminer sa phrase, il finit sa bouchée avant de prendre une profonde inspiration. Peut-il s’autoriser à lui dire qu’il est totalement perdu ? Fuyant son regard histoire de se donner une dernière seconde pour réfléchir, il pose son assiette sur la table et finit par s’exprimer la fixant avec droiture : « Je regrette qu’on ait divorcé. Ce que j’ai avec Molly c’est bien, mais il me manque quelque chose. Je ne comprends toujours pas comment on a pu en arriver là. Depuis que tu es revenue à l’hôpital, je sais plus où j’en suis. Je pense à toi sans arrêt. Je voudrais tant pouvoir revenir en arrière et te retenir de partir. Tu es la femme de ma vie, Kristen. Tu es irremplaçable. » Et c’était terrible à admettre, parce qu’il abhorrait son propre comportement. Mais en même temps, il avait l’impression de retirer un poids de ses épaules.