Je souffre idiot, tu ne le vois pas ? ▬ ARISMA

Ses doigts tapotaient nerveusement sur son bureau  alors que son regard fixait dans le vide. Ça faisait trois jours maintenant qu’elle savait et tout aussi longtemps qu’elle ignorait les messages textes et les appels d’Arthur. Dès qu’elle voyait son visage s’afficher sur son téléphone intelligent, elle sentait son cœur se serrer. Sa seconde main s’était posée instinctivement sur son ventre où la vie était lentement en train de grandir. Comment pouvait-elle lui annoncer ça ? Surtout comment allait-il réagir ? Sa plus grande crainte était de le perdre. Charisma ne connaissait pas la position de son fiancé sur les enfants, ils n’en avaient jamais parlé encore. Tout comme il n’avait jamais parlé du mariage que la jolie brune rêvait d’organiser. Elle essayait de ne pas y penser, mais parfois elle s’arrêtait dans les boutiques de robes mariées pour se faire une idée. À chaque fois, elle ressortait le cœur gros en ne sachant pas quand son tour allait arriver.

C’est la vibration de son téléphone qui la ramena à elle. Charisma détourna la tête vers l’appareil où s’affichait le magnifique visage de l’homme qu’elle aimait. C’était la troisième fois dans l’heure et pour la troisième fois, elle appuya sur le bouton rouge pour rejeter l’appel. Il était 19h00. Normalement, les lundis, il travaillait de soir ce qui lui permettait de rentrer au loft, de récupérer son chat et rentrer chez elle. Ce n’était pas bon signe. Silver passait pratiquement tout son temps dans ce loft, si Charisma n’était pas en mesure de le nourrir, c’est Arthur qui le faisait. Il s’était attaché à cet animal à son tour. Mais pour tout de suite, la brune avait besoin d’être seule. Elle voulait s’isoler pour réfléchir à la meilleure façon d’agir. Le silence n’était sûrement pas la meilleure option, mais elle n’allait pas réussir à lui cacher bien longtemps qu’un truc clochait. Arthur la connaissait par cœur, il savait comprendre son langage corporel. Parfois, Charisma avait l’impression que c’était lui le psychologue.

La brunette finit par attraper son sac à main pour quitter son bureau. Ça faisait une bonne heure que son dernier rendez-vous s’était terminé, mais elle n’avait trouvé le courage de bouger. Finalement, elle quitta son travail pour se diriger vers de loft de son fiancé. Elle se gara dans l’allée et monta rapidement en se promettant de ne pas s’attarder. Elle récupérait Silver et c’était tout. Charisma pénétra dans le grand appartement de luxe et elle ferma doucement les yeux. Son parfum emplissait la pièce. Ce qu'elle pouvait aimer cette odeur réconfortante qui lui donnait uniquement envie de se blottir dans ses bras pendant des heures sans bouger. Non, non… Ce n’était pas le moment. Sans prendre la peine de retirer ses chaussures, la psychologue avança vers l’énorme arbre à chat où Silver passait la plupart de son temps. « Viens bébé, on rentre chez nous. » Le chat ouvrit un œil avant de tourner la tête pour éviter le regard de son humaine. La brune soupira et enroula ses bras autour de son immense chat pour le sortir de son lit. L’animal se laissa faire et Charisma en soupira presque de soulagement. Lorsque Silver ne voulait pas la suivre quelque part, il le faisait savoir. La jeune femme était en train d’allonger Silver dans sa cage de transport lorsque la porte de loft s’ouvrit. Charisma se raidit et elle ferma doucement les yeux. Brusquement, elle ferma la cage et s’en saisit avant de se diriger vers la porte en évitant soigneusement le regard de son homme. « Je ne reste pas. J’ai du boulot. » cracha-t-elle presque froidement dans l’espoir qu’il la laisse partir sans poser de questions. La brune passa à côté de lui afin d’atteindre la porte.

Une moue agacée traverse son faciès lorsqu'il entend à nouveau la voix si familière de sa douce sur la boîte vocale. Il ne laisse aucun message. Quand elle commence à l'éviter, il sait également qu'elle ne prendra pas le temps de le rappeler. Elle ruminera dans son coin sans dire le fond de sa pensée, surtout lorsqu'elle ne souhaite pas lui ouvrir son coeur. Dans ces moments, il devient impatient et ne parvient pas à penser à autre chose. Téléphone dans la paume, il ignore l'appel manqué de sa propre femme. Charisma et lui ne sont pas si différents finalement, car il ne rappellera pas sa femme ce soir. En général, comme il termine tard les lundis, il n'a pas besoin de s'excuser ou de se justifier de son retard ou de son absence. Arthur, par son grade, programme lui-même ses rencontres. Il a choisit de se réserver une soirée plus calme.  Mais avant, il rend visite à une patiente installée à sa chambre. On la garde sous surveillance avant qu'elle ne puisse retourner chez elle. Elle a accouché d'un petit garçon la veille. Il quitte l'hôpital sans avoir l'idée de se rendre à la maison ; quand il est incapable de se sortir Charisma de la tête - principalement lorsqu'elle l'évite et que ça accentue son envie de la voir -, il est hors de question qu'il croise sa femme. Il aurait encore moins l'impression de la respecter. Son objectif, c'est le loft.

L'homme est conditionné à passer la soirée seul, donc n'imagine pas qu'il puisse croiser la douce qui ne cesse de se faire désirer. L'étonnement est donc lisible sur son visage lorsqu'il franchit le seuil, laissant machinalement tomber ses clés sur le petit meuble d'entrée. Il pourrait le faire les yeux fermés tant c'est devenu une habitude d'effectuer ce geste. Il devient perplexe lorsqu'elle essaie de lui échapper. D'un geste fluide, rapide et discret, il referme la porte de son pied. Elle ne se défilera pas aussi facilement. Deux pas lui suffisent pour se positionner face à elle. « Où allais-tu? » Ni haine ni reproche. Une question simple à laquelle elle serait en mesure de répondre par un seul mot. Il relève le menton, plisse légèrement les yeux. Il la confronte sans méchanceté malgré sa sévérité. Il aimerait glisser ses doigts à son cou pour savourer sa douceur, mais il est surtout vexé d'avoir été évité à plusieurs reprises, plusieurs jours consécutifs. « Tu n'as pas répondu à mes appels. » Cette fois, il s'exprime d'une voix calme et compréhensive, quoique déterminée. Elle a certes été sa confidente lors des séances, mais il est également un bon médecin capable de soutirer des informations à ses patients lorsqu'ils s'entêtent à cacher des informations personnelles. Maintenant qu'elle est face à lui, il ne pourra pas la laisser quitter ce logement. « S'il te plaît, chérie, ne m'oblige pas à insister. » À présent, il est à quelques centimètres de la fille, ayant profité de la proximité pour lentement s'approcher. Son désir le plus fou serait de l'embrasser, mais il veut d'abord des explications, le reste pourra attendre. Elle touche son ego et il se contient pour ne pas s'emporter.

Sa main s’était refermée fortement sur la cage de transport de Silver, au point où ses jointures étaient devenues blanches. C’était comme si elle avait peur qu’il lui arrache la cage des mains. Ce qui était bête. Ils n’étaient pas en train de se séparer, elle avait besoin d’un petit peu de temps pour elle. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais ce n’était pas la première fois. Cette relation la rendait heureuse autant qu’elle la faisait souffrir. Dans ce genre de situation, généralement, Arthur savait comment la gérer. Il la connaissait trop bien, il savait exactement comment ne pas la provoquer. Comme éviter de la toucher. La brunette vit plutôt la porte se refermer sous son nez et le corps de son homme se positionner entre elle et la poignée. Elle se mit à se dévisager avec colère lorsqu’il ouvrit la bouche pour lui demander où elle allait. Ça le regardait peut-être ? Elle étant grande, elle faisait encore ce qu’elle voulait sans avoir à ne se justifier à personne. « Chez moi. » cracha-t-elle, son regard sombre posé dans celui de son amant. C’était une forme de provocation, car elle avait l’impression que « chez elle » c’était devenu ici. Elle avait plus de vêtements, de maquillage, de chaussures chez son copain que dans son petit appartement.

Sa langue claqua légèrement contre son palais lorsqu’il lui reprochait indirectement de ne pas avoir pris ses appels. Même si son ton était doux, il y avait une certainement fermeté qui ne lui plaisait pas. Charisma se répétait dans tête dans sa tête qu’elle ne lui devait rien. Après tout, ils étaient uniquement amants. Rien d’autre, non ? Pouvait-elle vraiment avoir le statut de fiancée alors qu’elle ne pouvait même pas porter la magnifique bague qui ornait son cou. C’était frustrant. « Je n’avais pas envie de te parler. » Franche ? Beaucoup trop. On lui reprochait parfois ce manque de tact. Dans les dernières années, elle avait appris à faire attention avec ses clients, mais dans la vie de tous les jours, c’était une autre histoire. Le masque de la gentillesse et de la douceur pouvait sauter à tout moment pour laisser place à la femme indépendante et abrupte qu’elle savait être.

Il s’approcha d’elle et elle savait très bien qu’elle pouvait céder à n’importe quel moment. Arthur dégageait quelque chose de fort qui lui donnait envie de lui sauter dessus à chaque fois qu’il était à proximité. Mais pas aujourd’hui. Elle était trop nerveuse pour ça. Au final, son comportement cachait seulement une jeune femme apeurée et en panique. Arthur saurait-il déceler ça ? Cha’ ne le voulait pas, elle n’allait pas lui donner cette occasion. « Ne m’appelle pas comme ça. » Ça lui avait échappé sur le coup de l’énervement et elle regretta tout de suite ses paroles. Elle avait toujours l’impression d’être la personne la plus importante au monde lorsqu’il l’appelait « chérie ». Mais pas ce soir. Ce soir, rien ne fonctionnait dans sa tête. « Ce n’est pas moi ta chérie. Moi, je suis seulement ton second choix, le plan B quand l’autre t’insupporte. Je ne suis pas ta chérie. Je suis ton amante. » Si ce n’était pas un simple plan cul. Bref, elle était énervée. Ça faisait un moment d’ailleurs qu’elle n’avait pas râlé à ce sujet, mais aujourd’hui, elle avait atteint sa limite. « Laisse-moi partir. Silver déteste rester dans cette cage. » dit-elle en rejetant la faute sur son chat alors que c’était elle qui se sentait étouffée. Cha’ savait qu’elle allait craquer et elle ne voulait pas ça. Pas devant lui.

L'homme garde sa position, plissant parfois les yeux lorsqu'elle hausse la voix d'un octave, lorsqu'elle met sur le tapis de nombreux sujets déjà abordés ces dernières années. Dans sa voix, il y a des reproches dont il connaît l'ampleur, dont il connaît les répercussions. Ce n'est pas tous les jours faciles, même pour lui : un homme marié, posé, possédant la sécurité d'un emploi de longue durée. L'homme paraît confortable, décontracté et heureux, mais la situation est également pénible pour lui. Il prend néanmoins le temps de l'écouter jusqu'au bout sans l'interrompre. Il est surtout ravi qu'elle soit devant lui, non au bout d'un combiné qu'elle ne décroche pas. Il contemple son visage renfrogné, son regard sombre et sa posture téméraire. Cette femme est fougueuse, pleine de vie. Même dans cet état de pur confrontation, elle arrive à réveiller l'homme amoureux.

« Alors... si je comprends bien, commence-t-il d'une voix calme, tu es venue dans ce loft, où nous nous retrouvons la plupart du temps, parce que tu n'avais pas envie de me parler? » Il croise les bras, pose son menton dans sa paume, prêt à passer la soirée debout dans cette entrée s'il le faut : tout pour lui soutirer les vers du nez. Il se frotte même le lobe d'oreille, un tic qu'il a parfois pour remettre ses idées en place. Son ton de voix pourrait sembler amuser, voire tendre. Parce que dans son regard à lui, il n'y aucun froid entre eux. Qu'elle soit " l'autre fille " est un sujet récurrent dont il souhaite la rassurer à chaque fois. C'est déjà en cours de changement puisqu'il espère sincèrement prononcer le divorce rapidement. Il ne comprend pas pourquoi elle est distante et énervée. Il incline la tête pour dénicher l'émotion qu'elle tente de lui cacher. Mais comme elle s'entête, il décide de prendre les choses en main. « Si M. Silver déteste cette cage, pourquoi te résignes-tu à l'y placer? » La question est sérieuse et pertinente. Sans attendre de réaction de sa part, il vient lui-même récupérer la cage. Il la dépose sur le comptoir et ouvre la porte. L'énorme chat semble satisfait de la décision, profite de la tendre caresse de l'homme, avant d'aller manger dans sa gamelle. L'homme est satisfait, sait qu'il peut étirer le temps en permettant à l'animal de rester.

D'un geste calme et décontracté, il retire son veston qu'il dépose sur la cage, prenant le soin de déposer les deux items au sol pour que ça ne jure pas dans cette cuisine propre et luxueuse. Homme bordélique, environnement propre. C'est comme ça qu'il se sent bien. Sans directement regarder sa douce, il vient tirer l'un des tabourets de dessous le comptoir pour le mettre en évidence. Il le tapote afin de lui faire comprendre où elle doit venir pour avoir une discussion sérieuse avec lui. C'est un homme émotionnel qui s'égare souvent, mais il est également très soucieux des gens qu'il aime. Il insiste en tendant le bras, lui offrant la main si elle en avait besoin pour trouver le courage d'approcher. « Nous avons toute la nuit pour discuter. Tu risques de perdre au jeu de la patience, chérie. »

Arthur la provoquait. Ce n’était peut-être son intention, mais elle voyait ses questions comme une manière de tester ses limites. Malheureusement pour lui, aujourd’hui, elle n’avait aucune limite. Elle n’allait pas mettre longtemps à lui dire ses 4 vérités. « Non. Je suis venue récupérer mon chat. » Elle avait bien mis l’emphase sur « mon ». C’était son animal. Même si Arthur le connaissait depuis tout petit, Silver restait son animal. C’était elle qui l’avait sauvé, c’était elle qui avait passé des nuits levées à prendre soin du chaton ainsi que de ses frères et sœurs. Arthur pouvait dire ce qu’il voulait c’était son bébé à elle. Et pourtant, elle ne bougea pas lorsque l’homme se saisit de la cage. Son regard était hypnotisé par l’homme qu’elle aimait. Peu importe l’état dans lequel elle se trouvait, elle restait amoureuse de lui. Chaque parcelle de son corps l’aimait. Son cœur vivait et battait uniquement pour lui. Le simple nom « Arthur » suffisait à la faire frémir. Un moment plus tard, l’énorme chat avait bondi à l’extérieur de sa prison temporaire pour reprendre sa vie comme si de rien. Charisma le suivit du regard se diriger vers sa gamelle comme s’il n’avait pas mangé depuis des jours et des jours. Traître.

La psychologue était perdue entre son envie de le détester et son besoin de l’aimer. Son regard s’était posé sur Arthur qui agissait normalement. Elle était visiblement en colère contre lui et ça ne semblait pas le perturber plus que ça. Son veston avait gagné le sol. Est-ce qu’il cherchait encore à la provoquer ? Cha’ se dirigea vers la cage en marchant fortement sur les talons afin de faire du bruit, elle se saisit brusquement du veston pour aller l’accrocher sur l’un des crochets près de la porte d’entrée. Même si elle en lui en voulait, elle ne voulait pas que son veston soit recouvert des poils de Silver. C’était naturellement qu’elle prenait soin de lui et de ses possessions. De retour vers lui, l’homme tapota la place à côté de lui pour l’inviter à le rejoindre. Immédiatement ses sourcils se froncèrent. Il espérait quoi ? Qu’elle allait le rejoindre comme un animal docile ? Non, elle n’était pas docile. Actuellement, elle montrait les dents. Longuement, la psychologue fixa sa main tendue, mais elle l’ignora complètement. Néanmoins, ça ne l’empêcha pas de rejoindre le tabouret et de s’y installer. Charisma lui avait légèrement tourné le dos et elle observait dans la direction opposée. « Tu le fais exprès ? Ne m’appelle pas comme ça. » dit-elle d’une voix basse. Cependant, il n’avait pas tort sur quelque chose. Elle allait perdre au jeu de la patience. Elle savait l’être, mais surtout dans le cadre de son travail. « Ça fait 4 ans que je fais preuve de patience, je pense que ça fait longtemps que j’ai gagné. » dit-elle en tournant finalement la tête vers lui. Par contre, elle avait beaucoup trop d’orgueil pour lui accorder la victoire comme ça. Elle l’observa de haut en bas avant de pousser un profond soupir. « Est-ce que tu m’aimes ? » Oh. Elle passait de la colère à l’insécurité.

Arthur n'est jamais insensible aux attentions de la fille. Il ne bronche pas lorsqu'elle range le veston, mais ça l'excite qu'elle prenne le temps de le faire, même dans cet état de résignation volontaire. Heureusement, elle obtempère en partie en venant s'asseoir. Il aimerait dire qu'attendre 4 ans n'est pas de la patience, mais plutôt de l'entêtement, surtout venant d'elle, mais il préfère se taire et garder cette constatation pour lui. Son petit doigt lui dit que s'il devait la provoquer, il risquerait d’aggraver la situation. Non pas que cela l'effraie, mais il est sincèrement curieux de savoir ce qu'elle lui cache. Après tout, combien de fois a-t-il géré ses crises au même titre qu'elle gérait les siennes en séance? Ce n'est pas la première querelle ni la dernière. Lorsqu'elle s’assoit, il est tenté de la toucher. Elle est une tentation par sa simple présence. Si ce n'était de son humeur froide, il glisserait ses paumes contre ses cuisses pour la sentir se détendre sous ses doigts. Attendre est un supplice, mais la désirer est une sensation tout aussi agréable.

Est-ce qu'il l'aime? « Pourquoi en doutes-tu? » Il croise les bras à nouveau. Pour lui, c'est plus sage, ainsi ses mains ne sont point baladeuses. Son air est pourtant davantage sévère désormais. Il cherche à comprendre l'émotion qui la submerge, qui la met dans un état de colère insupportable : pour elle comme pour lui. À maintes reprises, il a rassuré la jeune femme de son amour, de ses sentiments à son égard. Elle est devenue la femme qu'il souhaitait épouser le jour où il l'a demandée en mariage. Le temps qu'il prend pour organiser son divorce ne regarde que lui. Elle était parfaitement consciente de sa condition au moment de s'engager avec lui. L'une de ses plus grandes déception, présentement, est de ne pouvoir l'exhiber au grand jour comme étant sa compagne. Il voudrait que le monde sache qu'il souhaite la chérir. Mais l'homme risque fortement de perdre patience si elle persiste à garder le silence concernant son état d'esprit. Elle est douée dans son travail, mais elle ne sait jamais se conseiller elle-même. Il aimerait la rassurer, vraiment, mais son coeur lui dit qu'en la rassurant maintenant, ce serait lui offrir une récompense pour son mauvais comportement. Dans une journée, il gère principalement des femmes aux hormones en ébullition. « Si je ne t'aimais pas, je serais avec Julia présentement. » Et il dit " Julia ", il ne dit pas " ma femme. " « Dis-moi pourquoi tu es en colère. » Ce n'est pas vraiment une question. Il décroise finalement les bras, attrape les genoux de la fille qu'il bloque ensemble pour obliger son corps à tourner face à lui. Il maintient solidement ses paumes à cet endroit, fixant cette femme belle et exotique. « Parce qu'il y a une chose très importante que j'aimerais te dire, mais j'aimerais te savoir plus sereine. » Et sa propre nervosité grandissante risque de le rendre vraiment très impatient si les secondes s'éternisent.

Pourquoi est-ce qu’elle en doutait ? Charisma ne savait pas. Ce n’était pas la première fois qu’elle en doutait dans les dernières années. Même si à chaque fois, Arthur revenait vers elle, il était difficile de le voir partir de temps en temps pour rejoindre la femme qu’il avait épousé. Comment justifiait-il toutes ses absences et les nuits qu’il passait ici, avec elle ? Elle ne lui avait jamais demandé. Au fond, elle avait toujours espéré qu’Arthur se mette les pieds dans les plats et que ça soit sa femme qui le quitte. C’était peut-être la seule solution pour qu’il soit enfin à elle. Arthur ne semblait pas disposer à demander le divorce lui-même. Pourtant c’était un homme de caractère qui savait exactement ce qu’il voulait. Pourquoi devenait-il hésitant dès qu’il était question de sa femme ? Est-ce qu’il y avait quelque chose qu’elle ne savait pas ?

Ses lèvres se pincèrent lorsqu’il prononça ce nom qu’elle détestait tant sans connaître la femme qui le portait. Elle ne l’avait jamais vu. Julia était un prénom éphémère pour elle. Elle ne voulait pas mettre de visage sur la femme qui avait fait battre le cœur de son fiancé. Elle voulait qu’elle reste une inconnue qu’elle pouvait détester dans son coin. « Je ne suis pas en colère. » mentit-elle avant de rire presque nerveusement devant l’absurdité de ses paroles. Elle planta son regard dans celui de son fiancé et ajouta : « Je le suis peut-être… Un peu. Juste un peu. » Dans son regard, il avait cette lueur taquine, mais elle disparut bien assez vite lorsque son cerveau lui rappela qu’il l’avait mise en cloque. Sauf que ça, elle ne pouvait pas lui dire. Elle allait se tirer dans le pied si elle le faisait. Il allait la quitter et elle allait se retrouver seule au monde. « Moi aussi j’ai une chose très importante à te dire, mais je ne sais pas comment te le dire. » avoua-t-elle en sentant sa gorge se serrer sous l’émotion. Ses mains s’étaient posées sur celle si chaudes de son amant lorsqu’il l’avait attrapé par les genoux. 2 minutes plus tôt, elle se serait probablement dégagée, mais là, elle était totalement chamboulée. Elle était montagne-russe dans ses émotions. La colère, l’insécurité, la peur, la tristesse… Un cocktail qui ne faisait pas un bon mélange chez Charisma qui menaçait d’exploser à chaque instant. Lorsque Cha’ sentit les larmes lui monter aux yeux, elle quitta vivement le tabouret avant qu’Arthur puisse le remarquer. La psychologue lui faisait dos et elle avait croisé ses bras sous sa poitrine, signe qu’elle se fermait à lui. Elle n’était pas prête à lui parler même si ça lui brûlait les lèvres. « Qu’est-ce que tu veux me dire..? » murmura-t-elle dans l’espoir que ça lui change ses idées qui n’étaient pas des plus positives à l’heure actuelle. Sa décision était prise. Si elle n’arrivait pas à lui annoncer ce soir, elle irait se faire avorter et elle ne lui en parlerait jamais. Voilà. C’était ce soir ou jamais. Si elle n’avait pas le courage maintenant, elle ne l’aurait jamais et plus elle tardait et plus ça allait compliquer les choses.

Un sourire affectueux se dessine sur ses lèvres lorsqu'elle avoue, en partie, être en colère. C'est un pas dans la bonne direction, un pas dans la compréhension mutuelle. Arthur est lui aussi un homme très secret qui apprécie son indépendance ; dans ses manières, Charisma lui ressemble beaucoup. Ça expliquerait pourquoi leur relation est parfois explosive ; c'est délicieux lorsque cette explosion prend la forme de feux d'artifice. Elle ne devrait pas craindre de s'ouvrir à lui. Charisma est sûrement la femme qui le connait le plus. Il s'est ouvert à elle, plus qu'à aucune autre. Elle devrait pourtant le savoir qu'il ne jugera pas ses appréhensions, car il sera là pour la raisonner et la faire sourire. Son parcours est tellement plus long que le sien ; elle ne pourrait imaginer ses nombreuses erreurs, ses nombreuses peurs, car une poignée de séances ne représente pas un homme. Doute-t-elle qu'il puisse comprendre une once de ce qu'elle ressent, qu'importe de quoi il s'agit?

De gros efforts ont été faits par sa douce en avouant ressentir de la colère, un petit peu. En la rassurant, il ne considère plus alimenter un mauvais comportement. Il veut qu'elle s'ouvre ; elle le fait, pas à pas. Ils ont parfois mentionné des bribes de leurs anciennes relations. Qu'on le veuille ou non, ce sont des détails qui jaillissent malgré nous dans des moments fragiles de nos vies, surtout lors de désaccords. Sans tout savoir, il peut accepter qu'elle soit réticente, même s'il aimerait être le confident qui lui fait le plus de bien. L'homme est désormais derrière elle, prenant le temps de sentir le doux parfum de ses cheveux. Elle ne cesse de le tenter en fuyant sa présence, mais n'est-ce pas la raison pour laquelle elle le fait, pour capter son attention, pour espérer qu'il soit attentif à ses besoins, qu'il lui témoigne l'affection qui la fait fondre? Il pourrait enlacer sa taille, mais retarde encore l'inévitable. Ses larges paumes exercent une pression sur ses biceps, qu'il prend le temps de caresser chaleureusement, de la même manière qu'il ferait pour la réchauffer. Son nez se faufile davantage dans ses cheveux, manifestant sa présence par son corps appuyé au sien. «  J'ai rencontré mes avocats vendredi dernier. Tu t'es montrée tellement patiente... pour nous. » Il reprend son terme, patiente. Il hume à nouveau, parle tout bas. Une légère pause, il continue. «  Après toutes ces années, je peux enfin te promettre que ce sera fait avant janvier. Sois ma femme. » Sa voix se perd dans ses cheveux, ses mains sont restées sur ses bras, effectuant des caresses lentes et appuyées. «  Et j'aimerais énormément que nous puissions célébrer ça ensemble... J'ai besoin que tu sois à 100 % avec moi. » Témoigner un besoin pour qu'elle s'ouvre à lui.

Une femme comme elle qui admettait être contrariée était un véritable pas dans la bonne direction. Par contre, si Arthur lui demandait exactement pourquoi elle était en colère, elle ne saurait pas quoi répondre. Il n’y avait aucune raison précise, c’était son état d’esprit actuel. Certes, ce bébé y était pour beaucoup, mais ce n’était pas uniquement ça. C’était sa situation qui la dérangeait. Cette sensation d’attendre dans le vide depuis des années commençaient à être difficile à gérer niveau émotionnel. Charisma faisait dos à son homme, mais elle pouvait sentir sa présence près de lui. Elle pouvait la sentir humer ses cheveux, mais elle ne bougea pas d’un poil. Habituellement, elle se serait retournée pour l’embrasser et pour se blottir dans ses bras. Sauf qu’elle n’était pas prête à lui donner quelque chose qu’il ne méritait pas. Elle venait même à se demander s’il la méritait tout court… Mais inversement, il pouvait se poser la même question. Elle n’était pas facile à vivre. Elle avait un caractère impulsif, elle lui prenait la tête pour rien – généralement – et elle l’engueulait avant de le bouder… Pourtant à chaque fois il était là à lui donner une affection qu’elle ne méritait certainement pas, mais qu’elle ne repoussa pas pour le moment. Les mains de son fiancé s’étaient refermées sur ses bras et elle envoya délicatement sa tête vers l’arrière pour la déposer contre son torse. Il pouvait la mettre en cloque autant de fois qu’il voulait, elle l’aimait. Il pouvait ne jamais demander le divorce, ça ne changerait rien, elle l’aimait. Le fait de le perdre serait suffisant à la détruire complètement.

Inconsciemment, elle avait retenu sa respiration lorsqu’Arthur avait commencé à parler. Il avait rencontré ses avocats. À nouveau, elle se sentit submergée par des émotions différentes. Il lui promettait avec une date… Avant janvier. Jamais elle n’avait eu de délai. Juste une promesse d’agir sans suite. Aujourd’hui, ça semblait plus concret. Charisma en vint même à frissonner lorsqu’il lui demanda d’être sa femme. Rapidement, les larmes lui montèrent aux yeux et sans qu’elle ne puisse contrôler quoi que ce soit, une première s’échappa de son regard. Une seconde suivie ainsi qu’une troisième. À ce moment précis, elle était contente de lui faire dos. Il ne pouvait pas voir ses pleurs silencieux s’écraser sur le sol. « Je ne peux pas… » murmura-t-elle dans un premier temps d’une voix cassée. Elle ne pouvait pas être à 100% avec lui, elle en avait trop sur le cœur. Si elle lui annonçait la nouvelle et qu’il partait ? Elle allait en mourir. Elle avait besoin de lui plus qu’elle n’oserait jamais l’avouer sous ses airs de femme indépendante. Vivement, elle se retourna pour lui faire face, se fichant des traces d’eau sur ses joues… Cha’ déposa une main derrière sa nuque pour le pencher légèrement vers lui afin de l’embrasser. Elle en avait besoin. « Redis-le-moi s’il te plait. » souffla-t-elle contre ses lèvres. Elle voulait entendre à nouveau cette promesse, la date, la demande de devenir sa femme. « Je veux être à 100% avec toi, mais… J’ai besoin de concret Arthur, pas seulement des paroles. Je… » Elle se coupa et elle déposa sa tête contre le torse de son homme, entourant son corps de ses bras. « Je suis contente que ça avance, vraiment, mais… Il n’y a plus seulement toi et moi dans l’histoire. » Son cœur se mit à battre rapidement alors que la nervosité la gagnait. C’était un premier pas vers le grand aveu.

Je ne peux pas. Une première phrase qui grince à ses oreilles tels des ongles sur un tableau noir. Sur le moment, il imagine qu'elle ne souhaite plus s'engager, qu'elle ne souhaite plus se marier avec lui. Arrive-t-il au bout du voyage, au bout de cette patience limitée? Sans doute ressent-elle la pression de ses paumes s'accentuer à ses bras sous ces paroles. Il continue pourtant de garder le silence, mais il n'apprécie pas qu'elle puisse finalement le laisser tomber. Elle n'est pas la seule à contenir les doutes. La jeune femme se retourne. Elle pleure. Est-ce la tristesse? Est-ce de la joie? Redis-le-moi s’il te plait. Un murmure. Un souffle. Elle demande davantage. Quelque chose de concret. Il hoche imperceptiblement la tête pour lui montrer qu'il entend ce qu'elle dit, qu'il s'engage à respecter ses attentes. Avant qu'elle ne vienne déposer sa tête sur son torse, il passe ses pouces sur ses joues afin d'essuyer les larmes fugaces. C'est sa façon à lui de montrer qu'il n'est pas indifférent à son désarroi. La tempête s'atténue puisqu'elle accepte désormais sa présence, aussi légère soit-elle. « Je veux bâtir une vie avec toi, Cha. » Pas de " chérie " cette fois-ci.

Il n’y a plus seulement toi et moi dans l’histoire. Une main est désormais posée dans son dos, l'autre s'est glissée entre ses mèches brunes pour que sa tête reste soigneusement posée sur son torse où bat amoureusement un coeur. Il essaie de comprendre le sens de cette phrase, mais elle lui semble bien trop mystérieuse pour être assimilée. Brièvement, il recule le menton, cherche à capter le regard de sa douce. « Crois-tu vraiment que je puisse oublier M. Silver? » demande-t-il, se voulant amusant, même si une expression sérieuse persiste à son visage. Il enchaîne aussitôt, ne souhaitant le doute persister plus longtemps : « À moins que tu aimerais ajouter quelque chose? » Il en vient même à se demander si elle n'a pas un second amant, auquel cas elle saurait le rendre très irritable. Il ne supporterait pas se retrouver dans ce cas de figure, même si c'est une situation qu'il impose à la fille. Ses doigts, toujours emmêlés à ses mèches, se referment amoureusement contre son cuire chevelu, maintenant une certaine emprise pour que son visage reste vis-à-vis le sien, là où ses yeux ne peuvent quitter les siens. Est-ce à cause de lui qu'elle pleure? «]Si j'ai récemment fait quelque chose qui t'ait blessée, tu dois me le dire. » La situation n'a jamais été facile, mais c'est la première fois qu'il a l'impression d'apercevoir une femme anéantie.

Charisma ferma fortement les yeux en sentant la prise de son homme se resserrer sur ses bras lorsqu’elle affirma ne pas pouvoir. Elle ne pouvait pas célébrer des paroles peut-être dites en l’air dans l’espoir de la faire attendre... Même si elle s’accrochait à ces mots qui étaient les plus concrets qu’elle avait reçu depuis 4 ans. Charisma en voulait plus… C’était sûrement très égoïste comme façon de penser, car la situation était plus complexe que ça en avait l’air. Elle demandait à un homme de mettre une croix sur son premier amour pour s’engager avec elle et uniquement avec elle. Elle l’avait partagé assez longtemps. À partir d’aujourd’hui, elle acceptait de le partager avec une seule personne… Et cette personne était encore au stade fœtus. Maintenant retournée pour faire face à Arthur, la brune avait rapidement caché son visage contre son torse pour cacher les larmes qu’il avait déjà remarqué. Il voulait bâtir une vie avec elle. Ses doigts se refermèrent sur sa chemise dans l’optique de s’accrocher à lui. Elle avait tellement besoin de lui.

Lorsqu’il lui parla de Silver, Cha’ sentit son cœur rater un battement. Il n’avait pas compris. Il était complètement à côté. Pouvait-elle lui en vouloir ? Même pour elle tout n’était pas clair. La femme avait plongé son regard dans celui de son homme et négativement elle secoua la tête : « Non. Silver est à moi. » dit-elle en fronçant les sourcils pour bien lui faire comprendre que ce point n’était pas négociable. Il pouvait dire ce qu’il voulait et même si elle l’aimait de tout son être, son chat était à elle. Elle déglutit lorsqu’Arthur lui demanda si elle avait quelque chose à ajouter. La psychologue retint son souffle. C’était le moment de cracher le morceau. Elle avait uniquement trois mots à prononcer pour passer à la suite des choses. « Non… Rien à ajouter. » dit-elle en se giflant mentalement de laisser cette crainte prendre le dessus. « Tu n’as rien fait. » ajouta-t-elle en se détachant un peu brusquement de l’étreinte si douce et si rassurante d’Arthur. Pendant un moment, elle lui tourna le dos laissant sa main glisser sur son ventre encore plat. Ses dents rejoignirent sa lèvre inférieure, ça ne lui ressemblait pas de s’écraser comme ça.

Charisma tourna les talons et se dirigea vers la cuisine pour attraper deux verres qu’elle remplit d’eau fraiche pour en tendre un à son partenaire de vie. Avant de lui laisser complètement, elle posa son regard toujours larmoyant dans le sien et lui demanda : « Est-ce que tu veux une famille ? » C’était une question risquée, elle le savait. La possibilité d’une réponse négative l’effrayait et allait probablement compliquer les choses. La psychologue n’attendit pas vraiment la réponse avant de se fermer complètement. Son regard et son visage redevinrent neutres et elle déposa finalement les deux verres sur le comptoir. « Laisse tomber… Je vais rentrer chez moi, je suis fatiguée. » Elle soupira, elle se sentait faible de ne pas réussir à lui faire cette simple révélation par peur de le perdre. L’aimait-elle davantage que l’être qu’elle portait ?

Non. Silver est à moi. Pour le moment, il ne cherchera pas à la contredire sur ce point. C'est un autre combat auquel il ne souhaite pas participer ce soir. Il s'est attaché à cette boule de poil, mais il est conscient que ce chat ne lui appartient pas. L'homme voudrait pourtant que, dans cette vie commune, il puisse dire que ce chat est également le sien. Un bref sourire fait tiquer ses lèvres ; cette femme exotique, même en instant de tristesse,  trouve le moyen d'être attendrissante. Il est conscient que M. Silver n'est pas leur plus grande préoccupation, mais devenant possessive comme une enfant à sa mention, elle lui réchauffe le coeur par ses sourcils froncés. Qu'elle fasse la moue rassure néanmoins son vis-à-vis, puisque sa prouve qu'elle essaie de s'ouvrir à lui, même si c'est par des mimiques grognonnes. Mais alors qu'il est dans l'attente d'une réponse, elle se résigne à nouveau. Il pousse un profond soupir, jetant un regard de côté pour éviter de la fusiller elle. Elle lui tourne le dos. Encore. L'homme n'est pas l'être le plus délicat qui soit, mais il fait de gros efforts pour rester patient, pour rester à l'écoute. Il est ainsi depuis toujours.

Est-ce que tu veux une famille? L'homme est concentré. Pendant de longues secondes, il observe son aimée s'activer dans la cuisine, incapable d'aller au bout de son idée. Elle est dans tous ses états. Il comprend mieux l'agitation, l'irritabilité ainsi que les larmes. Les traits amoureux disparaissent graduellement, laissent place à un visage amplement sérieux. « Je vois. » Qu'il murmure. Doucement, il déboutonne les boutons de sa chemise à ses poignets pour se libérer de la raideur du tissu. L'homme patient et doux s'efface légèrement derrière un voile d'autorité accentuée. Elle l'entraîne désormais dans un sujet délicat, un sujet qui n'a jamais été mentionné ces dernières années. Le mariage lui semble soudainement bien futile à côté. Il s'approche de sa tendre, dépose une paume chaude à sa joue qu'il caresse brièvement de son pouce. « Nous allons discuter toi et moi, c'est très important.. » Il hoche la tête, laisse descendre sa main le long de son bras pour finalement atteindre son dos. Il ne plaisante pas. Elle aborde un sujet qui mérite de l'attention, un sujet qu'elle ne peut mettre sur le tapis si elle souhaite s'éclipser. La question de la fille reste vague, par ailleurs. Souhaite-t-elle une famille? Craint-elle s'engager davantage dans cette relation? Voilà qui soulève une multitude de questions. Arthur est marié depuis des années, pourtant il n'a aucun enfant. Ça aussi, ça peut semer le doute concernant ses motivations à long terme.  

Il entraîne la fille au salon. Il vient l'asseoir sur le canapé. Quant à lui, il s'installe sur la table basse pour lui faire face, légèrement surélevé par rapport elle. « Qu'est-ce qui te met dans cet état exactement? N'essaie pas d'éviter la question, s'il te plaît. Pourquoi me parler de famille, ce soir, précisément? » Semble-t-il mécontent? Arthur n'est pas le genre d'homme à cacher ses intentions. Son désir de fonder une famille est ancré en lui depuis des années. Mais il ne supporterait pas qu'elle mentionne cette perspective sans y avoir pleinement réfléchit. Il peut accepter qu'elle ne soit pas prête à avoir des enfants, mais il ne tolérera pas qu'elle joue avec lui sur ce point. À ses yeux, ce serait pire que d'éterniser la date du mariage. Il en vient même à se demander si elle est pressée par le temps, si elle se sent obligée d'avoir un enfant pour le combler. Il a déjà oublié cette histoire de verre d'eau. « As-tu peur d'être mère, Charisma? » Son regard est ancré dans le sien. Il sait très bien qu'il n'a pas encore répondu à la question première. Lui, il attend depuis de longues minutes qu'elle daigne s'ouvrir à lui. Il fait exprès d'étirer le temps. Elle veut parler. Afin de lui donner un peu d'aide, il enchaîne : « Parce que moi, je n'ai pas peur d'être père. Mais sache que ce n'est pas un prérequis pour t'épouser si c'est ce qui t'inquiète. »

Charisma n’avait pas réellement envie de partir, mais elle manquait de courage pour annoncer ce qu’elle voulait tant avouer. Pourtant elle faisait confiance à Arthur, mais ça ne l’empêchait pas d’être craintive. Le dire allait rendre les choses encore plus concrètes. La brunette laissa son homme s’approcher et elle ferma doucement les yeux en sentant sa main chaude gagner sa joue. Elle leva une main pour entourer le poignet d’Arthur et ainsi approfondir le toucher. « Ok. » souffla-t-elle en hochant légèrement la tête. Elle avait lancé le sujet de la famille, il était normal qu’il cherche à en parler davantage avec elle. Cette fois, elle n’allait pas se défiler. La psychologue se laissa guider par Arthur vers le salon et elle se laissa tomber lourdement dans le canapé. Elle releva la tête vers son partenaire de vie qui s’était installé sur la table basse. Elle n’aimait pas qu’il cherche à se donner un air de supériorité, mais Charisma avait senti qu’elle avait touché une corde très sensible en posant cette question. Elle n’avait pas envie de le contrarier plus que nécessaire.

Cha’ se sentait comme une enfant qui allait faire se gronder et au final, ça ne rendait pas la situation facile. Elle avait besoin de le toucher pour trouver le courage qui lui manquait, mais elle n’osait pas. Charisma avait croisé ses bras sous sa poitrine et son regard mordoré était complètement aimanté dans celui de son homme. Impossible pour elle de s’en détacher. Ce côté autoritaire était très excitant et si la situation n’était pas aussi sérieusement, cette table basse aurait été victime de leurs ébats. « Parce que j’ai besoin de savoir. Ce soir, j’ai besoin de savoir ce que tu souhaites pour l’avenir. » Elle avait besoin de se faire rassurer par cette réponse ou encore se faire confirmer qu’elle devait interrompe cette grossesse. Cette décision, elle ne saurait pas la prendre seule. Elle avait besoin d’Arthur. « Non, je n’ai pas peur. » répondit-elle rapidement. Beaucoup trop rapidement. Arthur la connaissait, il savait très bien que c’était sa manière de se défiler d’un sujet. Elle disait le contraire de ce qu’elle pensait, il allait le savoir. Elle se protégeait de cette manière depuis toujours.  

À nouveau, Charisma eut envie de pleurer et elle dut se battre contre elle-même pour ne pas craquer. Donc il pensait qu’elle ne voulait pas d’enfant et qu’elle craignait qu’il refuse de l’épouser dans ces conditions ? Cha’ secoua négativement la tête et elle s’ouvrit en posant l’une de ses mains sur un genou d’Arthur. « Ce n’est pas ce qui m’inquiète. » avoua-t-elle en posant son regard larmoyant dans celui de l’homme qui faisait battre son cœur. « Ce qui m’inquiète… C’est que…  Tu partes. » Elle déglutit, sa gorge se serrait la faisant hésiter dans ses propos. Légèrement tremblante, elle se passa sa main libre au visage avant de le faire descendre jusqu’à son ventre encore plat. C’était uniquement une question de semaines. « Je suis enceinte Arthur. » Voilà. La bombe était lancée et la brune détourna la tête pour la première fois avant de rester dans les aveux : « Et j’ai la trouille. » Il l’aurait compris tout seul, mais Charisma savait que ça lui plaisait lorsqu’elle s’ouvrait à lui.

Que souhaite-t-il pour l'avenir? Une question vague et superflue, une question qui manque de précision quant aux besoins possibles. Arthur peut vouloir tant de choses, mais là question n'est pas assez précise pour qu'il y réponde sincèrement. Il va plutôt se concentrer sur ce que sa fiancée est sur le point de lui révéler. « Je suis enceinte. » Il n'y a aucune zone d'ombre dans cette affirmation. Les yeux de l'homme sont posés sur la main de la fille. Elle touche précieusement son ventre où la graine de la vie a été implantée. Elle est enceinte. Même si la confusion et les questions de Charisma menaient droit à cette révélation, il reste sans voix. Combien de fois a-t-il assisté à des aveux comme celui-ci dans son bureau, de femmes inquiètes à l'idée d'annoncer à leur conjoint la vérité? Arthur a toujours cru qu'il faisait partie de ces hommes dont l'idée de fonder une famille était à exclure.

Elle a la trouille. À cause de lui? À cause de son mode de vie? À cause de ce mariage toujours en suspens? La main de l'homme, nerveusement, rejoint celle de sa partenaire présente à son genou. Ses doigts serrent les siens, les relâchent, les compriment à nouveau chaque fois qu'il essaie d'ouvrir la bouche, mais que les mots refusent de sortir. Rassurer des familles autres que la sienne, c'est facile, tellement facile. Il utilise les bons mots pour rassurer les parents, pour décrire exactement les suivis auxquels ils auront accès. Mais dans l'intimité du foyer, alors que sa propre conjointe lui annonce l'inestimable cadeau qu'il rêve de s'offrir depuis des années, il est électrisé. Elle a la trouille. Mais elle n'a pas besoin d'avoir peur, car il est là pour elle, là pour cet enfant. « Je n'ai pas l'intention de partir. » L'homme s'est assuré de lui faire comprendre qu'il ne craignait pas devenir père, pourquoi voudrait-il faire marche-arrière? Était-ce pour cela qu'elle était distante avec lui?

Il se déplace enfin pour quitter la table basse, s'installant à côté de sa douce. Sa large main rejoint la sienne, posée là sur ce ventre toujours aussi plat, y déposant sa chaleur et son amour. L'autre main rejoint sa nuque qu'il presse entre ses doigts, l'obligeant à venir se blottir contre lui. Ses lèvres trouvent le chemin de son front qu'il embrasse avec précaution. Avec cet aveu, il ne supporte pas de se trouver en face d'elle. Il veut la toucher, veut la serrer étroitement dans ses bras. Il ressent le besoin de la protéger, de les protéger, de les protéger de la crainte d'être abandonnés. Mais Arthur se doit néanmoins d'avoir une pensée pour Julia, pour cette femme qui a partagé sa vie durant de nombreuses années et qui n'a jamais eu la chance d'avoir un enfant. Voilà qu'il quitte cette femme pour une adulte jeune, épanouie, fertile. « Plus jamais je ne veux que tu aies peur de m'avouer ce qui t'effraie, tu m'entends? » Sa voix est grave et autoritaire. Qu'elle garde cette information pour elle trop longtemps aurait pu faire naître des pensées encore plus malsaines qu'aujourd'hui. « Tu avais l'intention d'avorter? C'est pour ça que tu m'évitais? » Cette perspective le met en colère. Il glisse ses lèvres un peu plus dans ses cheveux pour y murmurer : « Fondons une famille. »

Le silence était insoutenable. Elle allait devenir complètement folle s’il ne disait pas quelque chose dans les prochaines secondes. Certes, elle venait de lui annoncer une bombe qui demandait un temps de réflexion, mais peu importe. Elle allait perdre la tête. La main de son homme rejoint la sienne et il serra ses doigts. Est-ce qu’elle devait voir ça comme un bon signe ? Mais le silence ne l’aidait pas à le savoir. Elle n’arrivait pas à lire son visage qui était complètement fermé. Il ne voulait pas d’enfant, elle était en train de s’en persuader. C’était une question de secondes avant qu’il lui demande de partir et qu’il mette un terme à leur relation. Elle allait devoir prendre une décision horrible toute seule. Elle allait perdre la seule personne qui donnait un sens à sa vie.

Sa respiration se faisait de plus en plus lourde alors que la nervosité prenait possession de son corps. Elle n’avait pas souvenir d’avoir déjà été aussi stressée. Et pourtant les premiers mots tombèrent. Il n’avait pas l’intention de partir. Si c’était possible, son rythme cardiaque accéléra tandis qu’elle posa un nouveau regard larmoyant dans le sien. Des yeux, elle suivit son mouvement et elle n’hésita pas un instant à se laisser aller contre lui. Sa main chaude rejoint celle sur son ventre et Charisma ferma les yeux. Il n’allait pas la quitter. Il était là. La psychologue ne savait même pas d’où lui venait cette crainte. Sûrement dû au fait qu’il était toujours marié et que cet enfant à venir allait compliquer davantage les choses. Sauf que pour le moment, ça ne sembla apeurer Arthur qui la tenait fermement contre lui. La brune en avait clairement besoin et ce simple geste la détendit complètement. Elle n’avait même pas remarqué que ses mains avaient commencé à trembler, mais elles étaient en train de se calmer. « Je devrais te le promettre.. » murmura-t-elle lorsque son amant lui dit qu’elle ne devait plus avoir peur de lui confier ce qui lui faisait peur. C’était sa façon de répondre qu’elle ne le promettait pas, mais qu’elle ferait des efforts. Ce n’était pas simple pour une femme indépendante comme elle qui détestait devoir dépendre des autres. Pourtant, elle dépendait complètement de l’homme qui partageait sa vie. « Je ne savais pas quoi faire. C’est pour ça que je t’évitais. Je ne savais pas comment te l’annoncer… Je ne savais pas ce que tu allais en penser… Je ne savais pas si… » Elle se coupa. Il valait mieux qu’elle évite de lui dire qu’elle ne savait pas s’il aurait accepté qu’elle garde cet enfant. Oui, elle avait pensé à l’avortement par crainte d’une réaction extrême, par crainte de finir seule, mais elle comprenait qu’elle avait bien fait de lui en parler rapidement. « Ça fait trois jours que je le sais.. » Il s’en doutait sûrement. Ça faisait aussi longtemps qu’elle l’ignorait. « Fondons une famille. » Ses mots la touchèrent en plein cœur et elle se mit à pleurer. Elle se retenait depuis trop longtemps. La brune ramena ses jambes sur le canapé et se blottit entièrement contre son homme. « D’accord.. » souffla-t-elle entre deux sanglots, mais malgré son regard larmoyant, elle souriait largement. « Une famille… Toi, moi, Silver et… miniature. » Elle rit nerveusement alors qu’elle hochait vigoureusement la tête de haut en bas.