ces feux qui muent // malee

CES FEUX QUI MUENT
(Flashback)

Imprévus. Ces facteurs qu’elle crache à la figure. Au sein de ses idylles chronométrés, les imprévus ne sont que suppôt de satan. Et là, en entrant dans cette chambre, il y a cet imprévu en allégorie dans son acabit le plus barbare. Et elle dragon n’a guère le choix que de l’affronter. Cette chimère bien en chair. Il y a ses iris qui alors transpercent la silhouette herculéenne. Ce corps étendu au sein de l'écru désinfecté. Alors que sa charogne à elle, s'éprend comme toujours, dans cette posture brute, une ode à la droiture. Le doux nacre de son uniforme sciant son teint impitoyable. Les lippes éclatés à l’écarlate et l’ébène poli dans leur soie originel. Féroce sous toutes les coutures, la carcasse effilée sur ses talons. Divine statue de glace.

« Bonjour. Je suis le Docteur Xiao. C’est moi qui me suis occupée de votre cas et je dois faire un rapide check-up de votre état. » La présentation déroulée en oraison bridée, la mécanique de ses crocs qui font dégouliner ses mots sans accrocs. Concise, précise, la sybille prodige. Divergeant dans l’ignorance volontaire des faits, de l’identité de l’interlocuteur. Puis ses mirettes qui balaient les papelards médicaux. Constat qu'elle déchiffre dans une minutie appliquée. De ces notes bues avec vivacité, la goulée des mots imprimés naviguant dans son ovale bien enclenché. « Comment vous sentez-vous ? » Salamec bien brefs. Secs et francs, d'une politesse qui ne déguisent q'une simple formalité. Rien de plus.  Joue le credo professionnel avant tout. Puis ça inspecte l'état du spectre abîmé. A le contempler de sa hauteur, la distance bien mis en avant. Car les avances tout en aimant; à émettre de la pseudo chaleur, ce n'est guère de son rang. Sang qui a pourtant fait plus d’un tour la vieille par cette vile trouvaille. Elle, l'allure froide et son âme taillée en armure.

Puis capture le traitre du regard. Fouillant au sein d'abysses en ruines, des pierres bien côtoyées dans son antan. Ça farfouille et ça ne foire pas. Par cette maxillaire aux aires de Jupiter bien fleuri. Ce front succombant à des tourbillons de tourments. Trogne qui lui cogne sans vergogne ses vieux dogmes bien abolis, bien enterrés. Il est cet interdit que parfois l’esprit tente de retrouver. Et se refuse ainsi de comprendre la mascarade montée depuis ces années sous son nez. De comprendre ces non-sens, ces danses violentes. Péché poli tout contre sa raison bien aiguisée. Puis son œil avide s'esquinte aux lignes en haut du dossier. Lee Harper. Alors que le dragon avait un tout autre écusson pour ces traits familiers. Jack. Mais ça, c’était un autre imprévu niché au sein de la trahison, dont elle damne la confrontation.

CES FEUX QUI MUENT
(Flashback)

Cet idiot de flic têtu et borné avait cru bon en fait qu'à sa tête, encore une fois, mû par une expérience d'ancien soldat et un instinct qui le faisaient régulièrement passer pour un chien fou, ou un inconscient, se croyant encore et toujours au-dessus. Harper mettait toujours du cœur à l'ouvrage dans son travail que ce soit dans l'enquête -minutieuse et chronophage- ou dans son aboutissement. Mais cette fois-ci, l'interpellation d'un petit groupe de producteurs locaux de drogue dure vira presqu'au désastre, nécessitant l'intervention de renforts devant l'âpreté de leur résistance. Dans l'affaire, le sudiste s'était retrouvé blessé, conséquence malheureuse d'une rafale perdue qui vint se perdre dans son gilet pare-balles et qui lui causa une estafilade sur son bras gauche. Devant la puissance du choc, le flic avait perdu connaissance et pouvait s'estimer heureux d'avoir évité le pire, encore une fois.

Harper s'était réveillé à l'hôpital, bras en écharpe et une migraine carabinée comme seules conséquences de son acte inconscient. Sans prendre conscience qu'il venait probablement de perdre une de ses neuf vies, sa première réaction est de réprimer une envie de vomir lorsque l'odeur aseptisée du lieu le prend aux narines. Sa deuxième, elle, est encore plus idiote puisqu'il sort immédiatement du lit dans lequel il est allongé pour aller chercher ses affaires disposées sur une chaise non loin de là, manquant de vaciller sur ses jambes encore chancelantes. Avant même d'avoir quitté sa blouse de convalescent, Lee attrape son paquet de cigarettes, s'en calant une à la commissure des lèvres et inhalant une première bouffée avec avidité. La sentence ne tarde pas à tomber avec les traits d'une infirmière encore plus mal léchée que lui, attirée par l'odeur de la nicotine se consumant et qui le recouche manu-militari, profitant de sa faiblesse passagère. Malgré ses grognements impolis, le flic est éconduit et enfermé dans sa chambre, livré à lui-même et à son humeur plus que maussade.

Alors il attend en maugréant, faisant les cent pas dans sa cellule de fortune en maudissant l'ensemble du corps médical. A sa décharge, il avait toujours détesté les hôpitaux, lieu de mort plus qu'autre chose. Le flic se rhabille tant bien que mal en comptant les minutes, désespéré par l'horloge de sa chambre qui martèle son calvaire seconde après seconde. Alors lorsque le cliquetis de la serrure de la porte se fait entendre, Lee espère que la fin est proche et qu'il pourra bientôt retrouver ses pénates. Attrapant ses dernières affaires, dos à l'entrée, il ne prête aucune attention pour le médecin qui rentre prendre de ses nouvelles et s'inquiéter de son état.  « Très bien. » souffle-t-il sur un ton des moins agréables.  « Ecoutez docteur, comme je le disais à votre infirmière, tout ceci n'est qu'un .. » Harper se retourne enfin, croisant de son regard acier les prunelles étirées qui lui faisaient face.  « .. malentendu... » Le mot semble se perdre dans la chambre, flottant quelques instants alors qu'il la dévisage, frappé par un vestige de son passé qu'il s'était empressé d'oublier.  « Mazu ? » bégaie-t-il tristement. Ses jambes chancellent sous son poids et l'effet de la surprise et le flic se rattrape in extremis au pied de son lit, le rejoignant difficilement. Un petit rire maladroit s'échappe de ses lèvres tandis qu'un fin sourire amer les étire.  « Je suppose que je te dois quelques explications ... » finit-il par lâcher avant d'oser affronter son regard, détaillant ses traits qu'il ne connaissait que trop bien.  « T'aurais pas une cigarette ? »