wicked game — (reese)

Les premières ombres du crépuscule se couchaient sur Miami quand Reese pour la porte de son appartement. Le silence et l'obscurité l'enveloppèrent de leur épais manteau de quiétude et d'immobilité totale, et elle en fut aussitôt rassérénée. Machinalement, elle se délesta de son sac et de ses vêtements imprégnés d'antibiotique et de désinfectant pour se glisser sous la douche. Ses épaules se liquéfièrent sous les assauts de l'eau brûlante, et tout le poids de sa journée s'évaporer. Ce n'était plus qu'un lointain souvenir derrière l'épaisse vapeur humide qui tourbillonnait autour d'elle. Quand elle sortit, la nuit était tombée mais la ville continuait de scintiller et de s'animer par delà ses fenêtres. Reese se sentit comme laissée de côté, pas invitée à la fête du village quand bien même aucun de ses habitants n'ignoraient qu'elle en eut grandement besoin... Aussi fit-elle ce qu'elle faisait toujours quand le sommeil ne viendrait pas : elle saisit son téléphone et laissa ses doigts faire le reste. À son invitation à sortir, Derek Fox, son meilleur ami de toujours, lui proposa de passer chez lui. Le cœur de Reese fit un bond dans sa poitrine. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, les rôles étaient inversés, et c'était sur ce bout de canapé fautif là-bas, que les choses avaient dérapé. Un repas, quelques bières, et d'un simple câlin réconfortant s'était enchaîné un baiser dont elle portait seule la culpabilité. Depuis la peur lui serrait les entrailles. Aucun moyen de savoir ce qu'il se passait entre ses deux tempes... L'idée qu'il puisse lui en vouloir la révulsait, tant elle tenait à lui. Ressassant ses craintes, Reese enfila une chemise et un jean, puis enfourcha son vélo pour avaler à toute vitesse la distance qui séparait leurs appartements.

Lorsque la porte s'ouvrit sur le sourire Colgate de Derek, son champ de vision se brouilla, ses doutes s'envolèrent et les aboiements surexcités de Floki lui parvinrent comme derrière une épaisse paroi. Il était tellement beau qu'elle en resta coite, incapable de réintégrer la réalité. « Salut toi ! » se força-t-elle en répondre en le suivant à l'intérieur. Encore trop décontenancée, elle laissa ses yeux et ses genoux rejoindre le sol pour serrer l'animal dans ses bras et le couvrir de caresses. Une fois ce dernier satisfait, elle alla s'effondrer sur le canapé. « T'as rien de plus fort ? » marmonna-t-elle au tac-au-tac, pince-sans-rire et sans vraiment savoir s'il l'avait entendue. Le salon de Derek lui procurait toujours la même sensation de bien-être mêlée d'admiration. Tout était authentique, simple, naturel, à l'image de celui qui avait tout fabriqué de ses mains. Elle qui faisait raccommoder les boutons de sa blouse par un interne ne pouvait que s'incliner. « Merci, » souffla-t-elle lorsqu'il l'eut rejointe. Il était si proche que son parfum lui parvenait par effluves plus enivrantes encore que le liquide ambré qui s'écoulait dans sa gorge, mais jamais cela ne lui avait fait autant d'effet. C'était juste elle ou ils étaient vraiment très proches ? « Quoi de neuf, quoi de neuf... » commença-t-elle pour tenter de dissimuler sa nervosité, observant du coin de l'œil ses doigts longs et forts glisser sur sa barbe. « Oh ! Aujourd'hui l'alarme incendie s'est déclenchée, donc tous nos ordis sont morts et les dossiers papier foutus, » Son air faussement réjoui ne pouvait tromper personne. « Mais hem ! J'ai survécu. Je suis là. Et toi ? Quoi de neuf ? » L'angoisse pointa le bout de son nez - et si il ramenait "l'incident" sur le tapis ? Partagée entre son envie de fuir et celle de se rapprocher davantage de Derek, Reese s'enfonça davantage dans les coussins, peut-être dans l'espoir qu'ils la fassent disparaître. 

Si Derek l'écoutait toujours avec la même attention, s'il lui adressait toujours le même sourire et posait sur elle le même regard bleu chargé de pure tendresse, quelque chose — peut-être pas plus épais qu'un ridicule je-ne-sais-quoi — avait changé. Le mois de mai n'était pas seul coupable de cette atmosphère pesante et étrange. Bien loin d'elle l'idée de faire porter le chapeau à son meilleur ami,  c'était de sa faute à elle. Elle avait le chic pour tout gâcher, tout foutre en l'air, tout balayer sans le vouloir... À la manière qu'il avait de croiser ses chambres sur la table basse et de plaisanter, elle pouvait facilement croire qu'au mieux il avait passé l'éponge, au pire, ce baiser ne représentait rien pour lui. Ce ne pouvait être que de sa faute. Il n'y avait elle pour se faire des idées et du souci pour rien. « Aïe ! Je suis démasquée... » répondit-elle en laissant un souffle d'air siffler entre ses dents. « Mais imagine un peu ! Le grand Derek Fox venu braver quoi ? Les extincteurs à eau ? » Elle ne put étouffer le rire léger et insouciant qui s'échappa de ses lèvres. « Au moins tu aurais pu te rendre utile, pour une fois, et sauver mes dossiers... » Mais non, comme beaucoup d'alarmes dernièrement, celle qui avait éclatée à l'hôpital en début d'après-midi n'avait été que le résultat d'une erreur humaine, ou d'un mauvais canular orchestré par de petits idiots... Aucun patient n'avait été mis en danger, et le personnel, dégoûté par la perte de travaux aussi importants, s'était moins soucié de sa propre sécurité, Reese y compris. Derek devait se trouver confronter à cela tous les jours, et elle était là, à râler pour rien... La malice quitta peu à peu son sourire pour se muer en sollicitude, et d'un geste espiègle, vint secouer l'épaule de Derek du bout de son index. Reese ne rencontra qu'une boule de muscles compacte et chaude, et alors qu'elle s'apprêtait de sa paume à approfondir sa caresse, Derek lui échappa. Comme s'il lisait dans ses pensées, il rejoignit promptement sa cuisine pour ne revenir qu'une fois armé de tequila de verres à shots. À cette vision salvatrice, Reese ne put contenir le soupir de soulagement qui lui montait aux lèvres, et concentra chaque once de son attention à l'observer. Le mouvement de ses mains et de ses bras, la crispation de sa mâchoire où courait sa barbe brune, sa bouche légèrement entrouverte et les relents de son parfum... Rien ne lui échappa. Sleep Un vrai régal pour les yeux, c'était le moins qu'on pouvait dire au sujet de Derek. Outre sa bouille d'ange, son cœur en or et sa générosité à toute épreuve, le pompier avait un corps de rêve — de ceux sur lesquels toutes les femmes se retournent — et voilà qu'elle se revoyait, il y a quelques jours de cela, le presser contre elle avec une énergie fébrile. Elle sentit la même chaleur remonter le long de son échine pour élire domicile au creux de ses joues. Peut-être la lumière tamisée et l'alcool aideraient-ils à en dissimuler la rougeur ? Reese l'espérait lorsqu'elle se saisit de son verre et le fit tinter contre celui de son meilleur ami. « Tu l'as dit papi ! Aux lendemains qui chantent ! » s'écria-t-elle en l'avala d'une seule traite. Son visage se tordit en un rictus horrible sous l'effet de la brûlure. La langue et la gorge en feu, la jeune femme ne put contenir un juron. Elle allait avoir besoin de plus, bien plus. Entre ses côtes, elle sentait son estomac gronder et protester, jaloux qu'elle abreuve ainsi ses veines du lent poison désinhibiteur alors que lui n'avait pas connu cette allégresse depuis onze heures du matin ! « Humm manger n'est pas une mauvaise idée. Pizza ? » proposa-t-elle en leur servant deux nouveaux shots. Sans plus de sommation, elle l'engloutit aussi sec. Un frisson la parcourut, une vague de froid et de chaud dont l'effet immédiat fut de terrasser ses muscles. Reese le rejoignit contre le dossier du canapé. Ils étaient si proches que lorsque sa tête glissa, sa tempe reposait tout contre son épaule. Les vrais ennuis pouvaient commencer. Ils devaient en parler. C'était comme ça entre eux : honnête et vrai, sans faux-semblants et non-dits. Ça coulait de source. Tout ce dont Reese avait besoin, c'était un peu de ce courage liquide qu'elle venait de s'administrer. « Derek... » souffla-t-elle doucement quand il eut fini. « Je suis vraiment désolée, ok ? Je ne voulais pas te mettre dans l'embarras. J'ai fait une erreur et c'est entièrement ma faute. » Ses iris brunes se perdirent un instant dans l'immensité bleue des siennes. Bon sang. « Je ne veux surtout pas gâcher notre amitié. Mais depuis la mort de Jake je... » L'évocation de son frère lui arracha une grimace aussi vive que celle de la tequila. « ... depuis sa mort, il m'arrive de faire des conneries. » Ses petits doigts se saisirent de sa main la plus proche, et soutenant son regard, elle termina en un murmure : « Je ne veux surtout pas te perdre. »

Lorsque les lèvres de Derek posèrent leur caresse chaude et humide sur ses doigts, Reese sentit fondre telle la banquise au soleil. Elle n'opposa aucune résistance quand il l'attira contre lui et enroula tendrement ses bras autour de ses épaules. Au lieu de cela, la jeune femme laissa ses yeux se clore et son bras glisser dans son dos pour approfondir leur douce étreinte. Les battements réguliers et paisibles de son cœur achevèrent de l'apaiser, et si elle n'avait pas été ainsi enveloppée de sa voix et de sa chaleur, rappels presque douloureux à son désir naissant, Reese serait probablement endormie. « On fait bien la paire tous les deux... » souffla-t-elle d'une voix étranglée par l'émotion. « C'est juste que, tu sais... il me manque tellement. Ça m'empêche de respirer. On a fêté mes trente deux ans, et deux jours après il... Ça fait deux semaines ou trois qu'il... qu'on l'a enterré. Bientôt ça fera un mois, puis deux, puis un an, et puis quoi ? Je vais arrêter d'y penser à chaque seconde, la douleur sera juste là tapie dans l'ombre et tous les trois mai il faudra tout revivre ? À chaque anniversaire ? Je ne me sens pas la force d'encaisser... » Reese acheva sa phrase en se calant davantage contre le torse du grand brun. Sa tristesse ne lui arracha aucune larme. En fait, Reese ne pleurait jamais. Les années avaient asséché ses yeux, à force de ne se voir asséner que des « moi aussi j'ai pleuré, et ça n'a pas ramené ta mère », et autres « arrête ton cirque, ton char, tes gamineries ». Son père n'avait que ça à la bouche à chaque fois qu'une crise démarrait, depuis le berceau jusqu'à ce que l'enfant éreinté décidât de laissé les pleurs à ses frères. Alexander avait pleuré pour deux lors des funérailles, et elle se foutait royalement d'être vue comme la salope insensible et plus sèche que le sable du désert. Reese resserra sa prise et poussa un long soupir. Derek ne pouvait pas avoir plus raison. Mieux valait laisser tout cela de côté, aller de l'avant et profiter du temps qu'ils passaient ensemble autant que possible. « Tu...  » commença-t-elle, mais sa dernière remarque l'interrompit aussitôt. « J'ai pas le sentiment d'avoir fait une connerie. » La phrase tournait en boucle dans sa tête comme un vinyle rayé. Qu'avait-il voulu dire ? Était-il possible qu'il ait même apprécié ? Ou que c'était d'une telle insignifiance dans la longue histoire qu'était leur amitié, qu'il pouvait passer dessus sans regrets ? que ça n'avait pour lui aucune importance ? Reese connaissait bien trop son ami pour accorder le moindre crédit à cette dernière hypothèse, mais bon sang... elle ne parvenait pas non plus à trancher en faveur de la première. « Non, non... C'était pas une connerie au sens j'ai détesté ou je ne le referai plus... » tenta-t-elle de justifier de la voix la plus légère qu'elle pouvait emprunter. « C'est plus du genre c'était complètement déplacé de ma part. Tu vois le genre ? » Alors que mille et une autres explications bidons s'échafaudaient dans son crâne en ébullition, Reese remercia la providence pour le coup de sonnette qui brisa à la fois son babillage stupide et leur étreinte. Derek se leva récupérer et payer leur commande, tandis qu'elle se redressa bien droite sur son siège. De ses doigts nerveux et tremblants, chargés d'alcool, elle réajusta nerveusement sa chemise et ses cheveux, réprimant une envie terrible de se gifler, ne serait-ce que pour retrouver ses esprits, redevenir cette bonne vieille Reese Hamilton, toujours un peu anxieuse, certes, mais malgré tout souriante et joviale. Toujours heureuse d'être entourée de ceux qu'elle aimait.

La pizza dans son emballage brun gagna son trône, la table basse, et aussi appétissante fusse-t-elle, elle n'effaça pas dans les narines de Reese le parfum de Derek. La jeune femme se saisit d'une part, et mordant à pleine dents dans la pâte, accepta les hommages de son estomac un peu plus soulagé. Aux paroles de Derek, des rêves de voyage, de road trip interminable dans des forêts luxuriantes envahirent son esprit. Ce genre de conversation, Reese pouvait les tenir pendant des heures. C'était une as de la planification spontanée, de ces gens qui choisissent au hasard d'une mappemonde leur prochaine destination et dénichent les bons plans avec une facilité déconcertante. Admirant le dessin tortueux de la croûte entre ses doigts, elle lui répondit. « Humm... j'ai une grosse intervention à la fin du mois que je dois préparer, et il y a le gala d'ouverture pour le projet pro bono à l'hôpital. » commença-t-elle la bouche encore pleine. La pile d'ouvrages de médecine silencieusement ouverts sur son bureau se matérialisa dans son esprit. « Mais après ça, je suis toute à toi. Garantie sans silicone, 0%, » acheva-t-elle en lui adressant un sourire. Elle ne savait que trop bien à quel genre de femmes Derek faisait référence. Toutes ces femmes à la plastique parfaite et au bronzage impeccable, peut-être lui ne les voyait-il qu'à moitié nues sur la plage ou aux terrasses de café, à lui lancer des œillades coquines qui l'agaçaient profondément. Mais Reese, elle, ne les connaissait qu'allongées sur des lits d'hôpital, quand la brûlure des UV avait réveillé de vieux antécédents de cancer, ou quand une soirée trop arrosée en boîte les avait conduites à interrompre une grossesse non-désirée ou pire, extra-utérine... La chirurgienne les voyait tout simplement sous un autre jour, celui des corps et des rêves brisés. Elle n'émit cependant aucun commentaire, se contentant de reprendre une autre part, sourire aux lèvres et le cœur léger à l'idée de quitter Miami, de s'évader l'espace de quelques jours. « Le Maine ?? Sérieusement ?! » dit-elle d'un air faussement offusqué. « Y a autre chose à voir que des homards et des vieux dans le Maine au moins ? » Pour le coup, l'Alaska lui faisait bien plus envie, d'autant que c'était encore plus loin, encore plus inaccessible, en bordure d'un tout autre océan. Cette idée ne pouvait que lui plaire.

Pas même un matelas fait des plus purs nuages n'aurait pu égaler la douceur de ce canapé, de ce moment, de cet échange. C'était comme se poser au coin du feu par une froide soirée d'hiver, alors que la nuit avait eu raison du reste du monde. C'était comme se laisser envelopper par la doux manteau de soie de l'eau d'un bain brûlant, et laisser un engourdissement inéluctable s'emparer de ses membres. La respiration lente et profonde, Reese se laissait aller contre les coussins, à mille lieux de son présent cauchemardesque, de la mort de son frère et de son quotidien harassant. Les mains nonchalamment posées sur son ventre rempli, les yeux dans le vide embrumés de volutes alcoolisées, elle écoutait la voix de Derek, cette voix douce et profonde qui l'appelait, la tirait vers une vie meilleure et lumineuse. Elle considérait désormais ce voyage dans le Maine obligatoire, comme une échappatoire salutaire dont ils avaient tous les deux besoins ; mais l'alcool aidant, elle ne put s'empêcher de plaisanter à ce sujet. « Le Maine... » dit-elle d'une voix songeuse. « Bon sang ok ok ! Va pour le Maine. Mais à une condition : que tu admettes que Stephen n'arrive même pas à la cheville de Lovecraft. » Elle-même n'avait du ouvrir qu'un vieil exemplaire poussiéreux de Salem quinze ans plus tôt si ce n'était plus, tandis qu'elle avait consacré une étagère entière de sa bibliothèque au grand Howards Philipps et sa mythologie chtulhuienne. « King est so mainstream, » poursuivit-elle, se donnant des airs sophistiqués par un faux accent british et en se redressant bien droite sur son siège. «Soit. J'essaierai de dégoter un hôtel à Jerusalem's Lot ou Derry, mais je te préviens ! Tu dors devant la porte, bouclier humain. » Malgré son ton hautain et faussement moqueur, Reese devait avouer qu'elle n'en menait pas large. Elle avait beau se revendiquer d'un esprit purement cartésien et rationnel, dénué de toute superstition, elle n'était pas non plus une grande adepte des histoires de fantôme. La faute à une sensibilité exacerbée... et en plus de cela, les mairies avaient probablement flairé le bon filon, et avides d'attirer des hordes de touristes sur les traces de leur idole, sûrement auront-elles révisé l'ambiance de leurs villes... Rien que l'idée de devoir affronter des clowns tueurs, des vampires et des sorcières, ne serait-ce qu'en photo, lui arracha un frisson. Il était cependant hors de question que le grand brun s'en aperçoive, aussi tenta-t-elle de se redonner contenance en vidant une nouvelle fois le contenu de son verre.
Du coin de l'œil, elle vit Derek regagner sa cuisine pour en revenir une bouteille d'eau à la main. « De l'eau ? Sérieusement Fox ? » Mais les premières notes de Nothing else matters interrompirent les plaisanteries qui allaient suivre cette remarque incrédule. Depuis son trône molletonné, Reese observa le pompier se dandiner sur place avec la grâce d'un éléphant perdu au milieu d'un magasin de porcelaine, la faute à tous ces muscles qu'il entretenait tous les jours. Elle se mordit la lèvre inférieure, comme pour se punir de lorgner de la sorte. « Incorrigible... » lança-t-elle en secouant la tête, comme pour balayer ce qu'il venait de dire. L'imaginer conduire une autre femme en robe blanche sur la piste lui ficha une douleur lancinante entre les côtes. Etait-ce de la jalousie ? Reese s'en voulut de nourrir de tels pensées. Elle était sa meilleure amie, et par petit intérêt personnel, voulait le retenir de trouver la femme de sa vie ? Bon sang... Une gorgée de sa bière abandonnée dans un coin de la table lui permit de se détendre un peu. « Je te pensais plutôt du genre Taylor Swift ou Celine Dion. Après tout, tu adores les blondes, non ? » casa-t-elle, élargissant son sourire comme pour éviter qu'il ne ternisse. « De toute façon, JE suis ta future demoiselle d'honneur, et je... » Mais avant qu'elle pusse compléter sa phrase, Derek se saisit de ses mains et l'attira contre lui. « Non non non Derek ! » tenta-t-elle de protester mollement. Ses grands bras l'avaient déjà entourée, ses yeux s'étaient déjà plongés dans les siens et son cœur s'était déjà collé contre sa poitrine. Reese resta coite, serrée tout contre lui, ses mains posées sur ses biceps pour trouver un semblant d'équilibre. Elle entendait son cœur battre à tout rompre dans sa cage thoracique, prêt à se décrocher de son nid chaud et sombre. La surprise qui paralysait encore ses muscles, était peu à peu remplacée par l'élixir de courage que l'alcool distillait dans ses veines. « Vous n'êtes pas con, monsieur Fox.  » réussit-elle enfin à articuler. « Un peu borné certes... mais tu es surtout l'homme le plus courageux et le plus généreux qu'il me soit donné de connaître Derek. N'ose même pas me contredire. » Sa voix s'étrangla dans sa gorge lorsqu'elle s'aperçut que ses yeux lorgnaient dangereusement sa lèvre inférieure, réveillant au passage un vol de papillons au creux de son ventre. Elle avait tant envie d'y goûter, d'en redécouvrir la douceur, de replonger tout comme la dernière fois, mais la peur de le brusquer et de le perdre dépassait tout. Quels qu'aient pu être ses mots un peu plus tôt. Reese était ainsi faite, l'anxiété la rongeait de l'intérieur en permanence et réduisait à néant toutes ses tentatives d'être pour une fois spontanée. Ses lèvres étaient si proches de celles de Derek qu'elles se touchaient presque. C'était avec tous les efforts du monde qu'elle se maintenait à une distance de sécurité, même aussi fine, car elle voulait lui demander d'abord. Pas comme la dernière fois. Déglutissant, Reese s'accrocha à pleine mains aux dernières onces de courage qui subsistaient en elle. « Est-ce que... est-ce que tu veux mes lèvres sur les tiennes ? »
Joignant le geste à la parole, Reese laissa ses lèvres entrer en contact avec celles du grand brun. Elle n'imprima rien qu'une caresse, rien qu'un baiser, rien qu'une fugace invitation, avant de se détacher de nouveau de quelques centimètres.