I'm the poison in the lead pipes | Ali

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Jeudi soir. Tu es assise seule, au bar à siroter ta boisson. Tu as commencé par une bière, puis une autre, avant d’enchainer avec quelque chose de plus fort. Regard perdu dans le vide, visage fermé, tu ne prêtes pas attention au monde qui t’entoure malgré le fait que les lieux soient de plus en plus bondés. Certains hommes t’abordent, mais tu leur réponds à peine. Pourtant, si tu sors, c’est bien pour rencontrer des gens et l’oublier lui. Voilà plusieurs jours, voire des semaines, que tu n’as plus de nouvelles. Depuis qu’il est venu chez toi, que tu lui as dit la vérité sur les sentiments que tu peux nourrir à son égard et qu’il est juste… parti. Une rupture que tu as toi-même initiée en affirmant vouloir tout arrêter tant qu’il en est encore temps. Pourtant, tu as espéré. Oh ça oui Gabriella, tu as espéré l’espace d’un instant qu’il réponde à cette pseudo déclaration. Espoir qui est parti en fumée en un claquement doigt alors qu’il s’est excusé avant de filer. Et tu as compris Gabriella. Tu as compris que ce n’était pas réciproque et que tu ne le reverrais probablement jamais. Parce que ce n’est pas ce qu’il veut. Ce n’est pas ce qu’il attend de vous deux. Ce n’est pas ce que tu voulais non plus et pourtant, bien malgré toi, tu es tombée amoureuse… Et tu es restée en larmes, assise par terre dans l’entrée pendant de longues minutes. Le fait est que tu n’as pas compté, mais le temps passe affreusement lentement depuis. Tu n’es plus que l’ombre de toi-même, effectuant ta routine de manière automatique, sans grand enthousiasme.

Pourtant, tu essayes de faire face. D’avancer. Tu es retombée dans tes travers, ceux des histoires sans lendemain. Tu flirtes, joues, avant de disparaître au petit matin. Bien décidée à ne plus te faire avoir. Tu as emmuré ton cœur encore plus qu’auparavant. Mais ça ne suffit pas. Le vide que tu ressens à l’intérieur… Tu n’arrives pas le combler. Trop tôt peut-être pour ça. Ce soir, tu étais partie pour refaire la même chose, draguer un illustre inconnu ou te laisser draguer, avant de finir dans ses draps. Juste pour oublier. Arrêter de te torturer. Et pourtant, tu es là, assise au bar, seule. Tu n’as pas la tête à ça. Tu n’as finalement pas envie de ça ce soir. A force de réfléchir, tu te dis que tu as besoin d’en parler à quelqu’un, sinon toute cette histoire va continuer à te bouffer de l’intérieur. Tu as besoin d’aide Gabriella, tu t’en rends compte alors que tu fais un signe au barman pour qu’il remplisse à nouveau ton verre de Whisky. Et alors que le nom de ton amie Kristen s’imprime dans ton esprit, le karma a encore une fois choisi de faire son œuvre...

Un homme s’approche de toi, commande à son tour sans te prêter la moindre attention. Tu pivotes tes prunelles vers lui et le dévisage sans la moindre gêne. Et à force, tu as l’impression que son visage ne t’est pas inconnu. Mais impossible de le remettre. Tu t’apprêtes à l’accoster, persuadée qu’il s’agit d’un ancien client, mais te ravises finalement. Même si tu as forcément remporté le procès. Car depuis des années, tu n’as pas perdu une seule fois. Depuis cinq ans à dire vraie. Depuis le procès de ta vie. De ta carrière. Depuis cet homme qui a permis à ton nom d’être connu, qui a réussi à te charmer, avant de disparaître. Celui qui a fait que tu as décidé de ne plus faire la même erreur… Jusqu’à Jack. Et qu'en as-tu tiré? Ça t’a brisée une nouvelle fois. Tu secoues la tête avant de dévier à nouveau tes yeux vers ta boisson que tu fais tourner dans ta main, ne cherchant finalement pas à savoir qui est cet homme et s’il s’agit effectivement d’un ancien client. Tant pis.

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Jamais il n’aurait cru que son quotidien soit tant bouleversé. Il y a peu, il s’imaginait demander sa compagne en mariage, enfin heureux, ayant remonté la pente doucement après le terrible drame de sa vie. Mais maintenant, il ne savait plus quoi penser. Il pensait aimer cette femme. Véritablement. Elle était formidable, elle avait tout pour plaire. Mais elle n’était pas Kristen. Son ex-femme était son seul véritable amour. Il le savait parce qu’elle lui troublait l’esprit depuis qu’elle était revenue à l’hôpital. Une complicité perdue s’installait dans leur travail et pourtant, il lui en voulait encore. Pour ce procès, pour cette disparition, sans prévenir, pour ne pas avoir pensé à lui alors qu’il se retrouva seul pour élever leur fille cadette tout en souffrant en silence de la perte de leur ainée. Mais son cœur lui, s’agitait irrémédiablement et attirant indéniablement son esprit sur la question. Il se trouvait plus distant avec Molly, trop proche de son ex-femme. Il ne savait plus quoi penser ni que faire. Si bien qu’après sa quatrième opération du jour, il ne rentra pas tout de suite chez lui. Assis dans son bureau, il avait entamé la bouteille de scotch que son père lui avait offerte à Noël et à laquelle il n’avait jamais touché. Il y a un début à tout. Au final trois verres y passèrent, mais sans jamais détourner son esprit de ses tourments. Il finit par quitter son bureau, convaincu que ça n’était pas une bonne idée de contempler la photo du visage angélique de sa fille disparue. Marissa lui manquait chaque jour et lui rappelait aussi qu’avant, la vie était facile. Dans la voiture en direction de chez lui, il finit par s’arrêter en chemin. Il n’avait pas envie de rentrer dans cet état. Il sentait l’alcool, il avait l’air morose et il se voyait mal s’expliquer à ce sujet avec sa compagne. Aussi, il prit soin de s’arrêter et de taper un message : ‘Je serais retardé, ne m’attends pas pour manger. Je rentrerai tard.’ Et c’était tout. Relevant les yeux, il remarqua ce bar à deux pas, et il crut bon d’aller noyer son chagrin là-bas. Pénétrant dans les lieux, il se dirigea tout de suite vers le bar. S’adressant au barman il ne jeta aucun regard alentour. « Bonsoir. Un double scotch, s’il vous plait. » Appuyé sur le comptoir d’une main, il tourna la tête quand il remarqua la jeune femme à côté de lui qui lui jetait des regards. Prenant son verre en main, il regarde de nouveau la femme à ses côtés. Elle lui dit quelque chose. En fait, il se souvient bien de qui elle est. L’avocate de sa femme. Celle qu’elle a engagé pour l’attaquer en justice après qu’il ait pris la décision de débrancher leur fille. Si elle n’est pas responsable de la décision de sa femme, il se dit qu’elle aurait pu ou dû l’empêcher de faire une telle chose. L’appât du gain avait peut-être été plus fort. Il n’en savait rien. Comme il ne savait pas pourquoi il lui adressa la parole. L’état d’ébriété probablement. « Je n’avais plus touché à un seul verre depuis dix ans. La vie vous joue de vilains tours. » Qu’il lui lance alors. Et même si elle jouait avec son verre, il proposa de lui en offrir un. « Je vous en offre un ? Je me sentirais moins coupable de me saouler en charmante compagnie. » Parce qu’il devait avouer que cette femme était charmante. Une bonne avocate en plus. Peut-être que cette conversation à venir lui permettrait d’oublier un peu ses doutes et de passer une soirée moins pénible.

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C’est énervant, de ne pas savoir qui il est. Parce que tu es persuadée de le connaître. Encore plus quand il ouvre la bouche. Sa voix te dit quelque chose et un moment, tu le dévisages sans la moindre once de gêne. En temps normal, tu l’aurais très certainement joué plus fine, plus subtile. Mais ce soir, tu es tout sauf discrète. La faute à l’alcool que tu bois depuis maintenant une ou deux heures. Conséquence même de ta déchéance sentimentale, elle-même la conséquence d’un refus que tu as essuyé. Ça fait mal. Un putain de mal de chien, que tu n’arrives pas atténuer. Tu broies du noir, les pensées qui partent dans tous les sens, le regard vissé sur ton verre dans lequel tu ne cesses de faire tournoyer le whisky. Et finalement, tu le bois cul-sec, alors que l’homme qui vient d’arriver te propose de t’en offrir un nouveau. « Timing parfait » Un geste vers le serveur pour qu’il te remplisse à nouveau le verre, après avoir avalé ta longue gorgée. Tu le remercies, avant de te tourner à nouveau vers ton compagnon de beuverie pour ce soir et faire de même avec lui. « Alors, dites-moi. Pour quelle raison un homme tel que vous se retrouve tout seul dans un bar à une heure déjà bien avancée ? » que tu lui demandes, un sourire charmeur, croisant tes jambes nues. D’humeur joueuse subitement, tu flirtes avec lui sans une once de gêne. Tu ne peux nier qu’il est plaisant à regarder, et la question qui se pose c’est comment se fait-il qu’il ne soit pas accompagné ? Et si, de base, tu n’étais pas partie pour faire des rencontres ce soir, tu te dis que tu peux bien faire une exception finalement. Et encore une fois, tu le fixes. Une situation qui gênerait plus d’une personne. Tu prends une gorgée, alors que tu détailles ses traits. Et plus tu le fais, plus l’idée que tu le connais se fait persistante dans ton esprit. « Pardonnez-moi mais, on se connait ? » Tu demandes finalement ce qui te brûle les lèvres depuis ce temps. Car impossible pour toi de remettre un nom sur son visage qui ne t’es finalement pas inconnu. Quand enfin, après un travail mental de longue haleine, la lumière se fait à tous les étages. Comment as-tu fait pour ne pas le reconnaître ? « Oh merde, Ali ! » Le juron s’échappe de tes lèvres lorsque tu réalises qui tu as en face de toi. L’ex mari de Kristen, bonne amie à toi. Amie que tu as épaulée lors de son divorce. Amie que tu as défendue lors du procès concernant sa fille décédée. Procès remporté, contre le fameux Ali. « Désolée » Tu t’excuses, avant de rigoler face à ta réaction un peu exagérée et surtout la tête qu’il a faite. L’alcool qui commence clairement à faire effet.

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La situation semble rocambolesque. De toutes les personnes dans ce bar, Alexander est allé adresser la parole à celle qui connait Kristen. Gabriella n’a pas l’air d’une personne immonde. Sa présence dans ce bar en atteste. Elle aussi à quelque chose qui la tracasse en ce moment-même. Il ne sait ce qui se passe dans sa tête, mais dans la sienne c’est le chaos total. Il y a peu, Ali se voyait demander la main de Molly afin de tirer un trait sur son mariage précédent, de pouvoir se prouver qu’il était capable de mener une autre vie après Kristen. Sauf que plus le temps passe, plus l’homme retrouve des sentiments submergés par le chagrin, enfouis au plus profond de lui, qui refont miraculeusement surface. La faute à son travail et à la complémentarité qu’il a toujours eue avec son ex-moitié. Il ne sait plus. Il est perdu. Parfois, il se dit aussi que ça permettrait d’offrir une vie plus stable à leur enfant, qui a supporté pas mal de chamboulements. Tout ça ne sont que des excuses. Il aime Kristen, comme il n’a jamais cessé de l’aimer et ce serait mentir que d’oser prétendre aimer Molly tout autant. A la question posée par Maitre Clark, il hausse les épaules après une gorgée de Whisky qui ne vaut pas celui de son grand-père. « Bonne question. Je crois que je ne sais pas ce que je veux. » Alors il boit pour oublier, pour repousser une échéance qui n’a ni queue ni tête puisque son ex-femme n’est probablement pas dans le même bateau que lui. Il laisse son regard se perdre un instant sur les jambes de la quarantenaire. Elle flirte avec lui, ça ne fait aucun doute. N’ayant pas nécessairement envie de pourrir l’ambiance à exposer ses problèmes, il détourne la conversation sur la jeune femme. « Et vous ? Ne me dites pas un chagrin d’amour, ça serait regrettable. » Regrettable de la savoir dans la même barque, donc ? Ca ne semble visiblement pas le déranger. L’avocate possède un certain charme, c’est indéniable. Il lui sourit, amusé par sa remarque. Elle n’a pas encore réussi à mettre une situation sur son visage, alors que lui ne pouvait que s’en souvenir car ce procès n’avait pas été loin de l’anéantir. C’est drôle de la voir dans une autre tenue, dans une toute autre situation qui la rend bien plus agréable que lorsqu’elle défendait corps et âme son ex-femme. D’humeur joueuse, il s’amuse à lui rétorquer tout en finissant son verre. « C’est possible, mais si vous ne vous souvenez pas de moi c’est que je ne vous ai pas laissé un souvenir impérissable. Dommage… » La fin de sa phrase semble suggestive, et il a à peine le temps de recommander à boire que d’un coup elle s’écrie dans un juron, mettant finalement un prénom sur son compagnon de beuverie du soir. « Ah. Apparemment si. » Qu’il dit avec surprise. Elle est plus physionomiste qu’il le pensait. Il ne sait en revanche pas comment prendre ses excuses formulées ? Est-ce donc simplement pour son moment de lucidité ou pour le reste ? Il n’en était pas sûr. Aussi il pouffa de rire, préférant le prendre à la légère, parce qu’il voulait que cette soirée le soulage du poids qu’il avait sur ses épaules et qu’il n’était pas prêt à faire son choix. « L’illumination divine ? » Qu’il plaisante. L’Eureka d’Archimède. On leur posa deux verres devant chacun d’eux. Offerts par le chirurgien. Pourquoi ? Parce qu’il n’avait pas envie de se prendre la tête.

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