Visite à domicile (pv Derek)

Une journée épuisante, douloureuse, de celle qu'il aimerait pouvoir oublier. Appelé en début de soirée pour une intervention dangereuse, le pompier avait bien failli y rester si son collègue ne l'avait pas aidé. Un accident domestique dans une quartier chaud de la ville, il s'était retrouvé sous les décombres après l'explosion d'une chaudière. Par miracle, ils n'avaient perdu personne aujourd'hui, des blessés que le temps viendrait réparer.  Après un rapide passage à l'hôpital pour y conduire les victimes, le soldat avait préféré ignorer les recommandations de l'équipe médicale pour une consultation. Il s'était ramassé un morceau de poutre dans le flanc et ses côtes le faisaient silencieusement souffrir. N'ayant pas souhaiter accabler le personnel hospitalier, Derek avait préféré mentir et dire que tout allait bien. Mais une fois à la  caserne après avoir retirer le haut de son uniforme, il avait constaté un vilain hématome. Un peu de glace et un anti-douleur plus tard, il se retrouvait dans la cuisine avec le reste de son équipe pour manger. Silencieux et à l'écart comme toujours, il écoutait d'une oreille distraite la voix de ses camarades. De garde toute la nuit, il espérait ne pas être appelé au vu de la douleur qui commençait à se réveiller. Il n'était pas médecin, mais il avait quelques compétences pour savoir qu'une côte était fêlée. Une respiration douloureuse et un lancement lancinant à chaque mouvements. Il ne voulait pas être mit sur la touche et devoir s'arrêter de travailler. Il avait besoin de se sentir utile et d'être occupé pour ne pas penser. Ignorant l'invitation d'un collègue à venir s'entraîner, il s'isola dans la salle de repos à proximité de la cuisine. Il se laissa tomber doucement sur un fauteuil, les écouteurs dans les oreilles pour laisser la musique le bercer et tenter d'oublier ses maux.

Somnolant sur son siège, le géant sursauta en grognant sa douleur alors qu'une collègue lui signalait qu'une femme le demandait dans la cuisine de la caserne. Surpris, il se leva difficilement sous le regard inquiet de sa camarade à qui il adressa un sourire de circonstance. Quelques pas et il glissa dans la pièce à côté où Amelia venait apporter une touche féminine à ce tableau masculin. « Hey tout vas bien ? » Décontenancé par la présence de l'ancienne militaire, il pensa aussitôt à son petit-frère vu que les deux soldats étaient assez proche alors que les autres pompiers laissaient de l'intimité au duo. « Café ? » Proposa-il en s'approchant de la cafetière pour en préparer. Vu l'heure, elle devait sortir d'une garde et la caféine était l'alliée des gens aux horaires décalés. « Je te propose pas à manger, j'ai pas envie que tu retournes à l'hosto à cause d'une intoxication alimentaire. » Regard amusé alors qu'il pinçait les lèvres pour cacher la douleur, se posant contre le plan de travail en observant la chirurgienne.

Derek ne faisait plus vraiment le malin face à l'autorité de l'ancienne militaire. Il y avait chez elle un côté maternel assez prononcé qui ne le dérangeait pas vraiment, soufflant un instant son agacement en abandonnant sa tasse fumante sur le plan de travail pour s'asseoir sur la chaise précédemment tirée. Comme un enfant boudeur, il se laissa tomber lourdement dessus en laissant la chirurgienne ausculter le flanc blessé du pompier. Un hématome pas très joli à voir qui le fit grimacer quand elle laissa ses doigts glisser sur la blessure. Peut-être avait-il surestimer ses capacités alors que la douleur se réveillait sous la palpation médicale. Il culpabilisa alors de forcer Amelia à faire des heures supplémentaires à cause de son esprit borné et orgueilleux. Elle témoignait une nouvelle fois de cette générosité qui faisait d'elle une femme extraordinaire. Une héroïne de l'ombre qui avait sacrifié ses plus belles années pour sauver de nombreuses vies. Mais elle lui faisait aussi indubitablement penser à son aîné que l'armée lui avait volé. Reconnaissant aussi de savoir qu'elle avait veillé sur son petit frère lorsqu'ils étaient ensemble dans l'enfer de l'Irak. Alors qu'il ne bronchait pas sous l'auscultation, il ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer qu'à eux deux — ils comptabilisaient un flot de deuils alarmant. Des pensées qui n'allaient pas l'aider à aller mieux alors que la voix de la brune venait raisonner dans ses tympans, plissant son regard fatigué pour réfléchir à la question. « Juste un anti-douleur il y a une heure et ça fait plus trop effet. Non c'est juste douloureux au toucher et lancinant quand je respire. » Calme, il se doutait bien qu'une cote était fêlée et il n'avait pas vraiment envie d'aller à l'hôpital pour passer une radio et inquiéter son petit-frère. Du repos, des cachets et ça finira par se résorber d'après lui.  « Je peux me rhabiller madame ? Tu vois c'est pas très grave, fallait pas venir jusqu'ici même si j'apprécie. » Sincère, il releva son visage vers la doctoresse pour lui partager un signe de la tête en guise de remerciement. A cause de son entêtement, elle se retrouvait ici au lieu de profiter d'un peu de repos après une longue journée. Les gardes interminables, ils connaissaient tous les deux bien qu'ils ne travaillaient pas dans le même domaine. Mais leurs professions demandaient une grande dose de courage, d'altruisme et d'humanité. « Tu vas bien toi ? J'ai l'impression de toujours te croiser dans des contextes peu réjouissants. » Le pompier tendit alors ses jambes devant lui en observant l'horloge du four indiquer minuit. Il pouvait être appelé à tout moment pour une intervention et même si il souffrait un peu, le barbu appréciait de voir un autre visage que celui de ses  collègues pour briser un peu cette routine harassante. « T'es sûre tu ne veux pas boire quelque-chose ? Le café est meilleure qu'à l'hôpital mais je ne veux pas te retenir, tu dois être claquée toi aussi. » Un fin de sourire de circonstance pour cacher sa douleur et aussi la rassurer, il survivrait.